Interview # LADY K

Souvent médiatisée, un nom féminin qu’on retient, Lady K ne manque pas d’activité dans le domaine et est considérée comme une artiste à part entière.

– nom : Lady K
– crews : 156, V13, ED, HLM, CCH, MTM, BLK, TRS, MKC, etc…
– âge : 36
– ville : 93

– Je me souviens, quand je t ai rencontrée vers 2002, que tu taguais partout, tout le temps, devant les gens (d’ailleurs on se faisait engueuler une fois sur deux).
C’est ta manière de faire, tu es impulsive ? A l’époque pour moi il fallait rester dans l’ombre (et encore maintenant), j’étais un peu choquée.
C’est important, la provocation ?

Ahah ! non tu abuses c’était rare qu’on se fasse gronder !!!
Oui, c’était une provocation artistique qui répondait à une logique de performance. Dans la vie de tous les jours, je ne suis pas comme ça, je me suis modelée à cet univers qu’est le cercle du tag, avec ses codes, pour les impératifs artistiques.
Je ne pensais qu’à peindre à l’époque, j’étais dans une logique de sur-production ! Je voulais en faire tout le temps ! La nuit, le jour, quand je dors !! (non je plaisante, mais même dans mes rêves des fois je peins), si je n’en faisais pas il fallait que je fasse quelque chose en rapport : trouver des bombes, des feutres, du papier, des photos…
Je me souviens avoir entraîné Marco Trey-Lacoste, photographe, sur le quai de la 7 en pleine heure de pointe, à Châtelet, et j’ai gravé les plastiques de tous les métros pendant une heure….
Il a aussi une photo de moi où je tague en rose avec ma perruque rose a coté d’une voiture avec des policiers qui n’ont rien remarqué…
Mais même en abusant on reste dans l’anonymat, ils sont finalement rares les gens qui font attention, surtout en pleine journée, le soir ils sont plus en alerte, ça leur semble plus louche j’ai l’impression, ou alors ils ont d’autres trucs à faire que de s’intéresser aux taggeurs, alors que le soir ils ont peut-être plus de temps pour jouer les justiciers de la surface lisse !

– J’ai un vague souvenir de 2/3 tunnels de métro à toi, tu n’es pas trop ambiance souterraine ?
T’aimes pas marcher sur les cailloux ?

Ahah, tu m’as tuée!!!
Concours de circonstances, je me suis brûlé la main sur les rails, pourtant quand je me suis promenée à côté de l’hôpital (quand je suis restée une semaine à l’hôpital car j’avais la main brûlée), avec un ami, j’ai fait un saut de rails sur la ligne qui passait a Suresnes. La première chose que j’ai faite, en sortant de cet hôpital, c’est également de sauter sur les rails, je sais plus sur quelle ligne de métro…
J’ai été arrêtée deux fois en deux jours se succédant, pour des métros.
On a également eu 100 000 francs à 5 sur un tronçon de tunnel.
J’ai failli être crassée par un RER sur la B vers stade de France, j’avais des écouteurs, j’étais seule, je ne l’ai pas entendu arriver, je prenais du recul sur les rails, il m’a vue, il a klaxonné, je me suis écartée.
J’ai pas fréquenté intensivement des gens qui y allaient.
J’ai été toute seule faire des trains, ou sur les voies, et aussi avec du monde. Je me souviens avoir fait le tronçon Charles de Gaulle / Opéra toute seule, le RER klaxonnait…C’était pas drôle, la portion de tunnel est très longue. J’avais fini par restaurer les tags de Fizz, leur redonner une brillance chrome, suivant parfaitement ses lignes, plutôt que de continuer à poser mon pseudo, tellement j’en avais assez de ce tunnel interminable !
Un autre jour en passant près d’un dépôt le chien du maitre-chien est venu me voir, il s’est arrêté et m’a regardée : longtemps j’ai cru que c’était un chien qui se ball-adait, c’est après que je me suis dit que c’était le chien d’un maitre-chien… (j étais jeune!)
Une autre fois un type a voulu venir tagger avec moi, quand j’ai fait un truc sur la gare d’une station de la B (il m’avait grillée, mais je lui ai dit que je préférais y aller seule, la réponse a semblé lui convenir), et une autre fois on se fait cavale, je me retrouve donc seule sur les voies, je m’ennuie, je marche et comme une idiote, pour m’amuser, passer le temps, je marche avec ma camera, je filme, je me fais une ambiance façon Blair Witch, j’ai réussi à me faire peur toute seule !
J’allais souvent tagger seule. Donc c’était plus simple pour moi de privilégier le maillage des rues de l’espace urbain.
Sinon pour en revenir aux cailloux, je les prenais sur les voie de la B quand je prenais le train, pour graver les vitres, quand j’oubliais ma fraise…

graffeuse-lady-k-Clichy-2005 Clichy / 2005
graffeuse-lady-k-RERA-2004 Rer A / 2004
graffeuse-lady-k-Paris-2007 Paris / 2007 / Maison de Gainsbourg

– Et dans tout ça tu as le temps pour penser à d’autres choses ?

La seule autre chose à laquelle je pensais à part la peinture…la peinture, quand je peins, le temps, l’espace n’existe plus. Puis il y a ces cinq ans de procédures juridiques qui m’asphyxient, j’aime avoir l’esprit libre quand je peins, ne pas être stressée, et peindre parallèlement me détend. J’ai toujours évité les soucis, afin d’avoir l’esprit libre de contrariétés, pour peindre. Et il y a Louis-Victor mon souffle d’oxygène, mon grand amour tendre de toute une vie.

– Je vais peut-être dire un truc qui ne te plaira pas, mais à un moment (je dirais vers ton milieu de carrière) j’avais remarqué une chose, autant tu étais capable de peindre d’une manière très poussée, et le résultat était magnifique, autant des fois je trouvais tes compos bancales et fades…Ce contraste m’étonnait toujours…Est-ce que tu t’en rendais compte ? Tu hésitais encore sur certains aspects graphiques de tes lettres ?

Trop gentil merci, pour le magnifique.
Oui clairement je fais des expériences picturales, j’aime chercher des esthétiques, des plastiques, faire coïncider le sens avec la forme, je n’ai pas envie de rester cloisonnée dans une forme particulière. J’aime explorer de nouvelles choses, revenir sur les anciennes… Et c’est comme les gâteaux, des fois c’est réussi et des fois c’est cramé!

– Comment s’est passée l’entrée chez les 156 ? Ça a été une consécration pour toi ?

Oui, c’est Psy qui recrute, il m’avait dit que j’en posais pas assez à l’époque. Comme j’aimais peindre dehors la journée, la nuit, je me posais pour faire une collections de block 156 en couleurs.

– Comment as-tu découvert le graffiti?

Sur les murs de mon école, l’autorisation de mon père de gribouiller sur le papier peint car on va le changer, au collège, sur les murs de ma ville, sur les pochettes d’albums et aussi je me souviens d’une pub à la télé avec un graff, des t-shirts aussi avec des lettrages pas forcément équilibrés, mais le déséquilibre peut être un parti pris ?

– La 1ère bombe ou le 1er marqueur que tu as tenu en main, ton 1er tag / graff, tu t’en souviens ? Dans quelle ville et sur quel support ?

Dans ma ville sur la voiture de mon conseiller d’éducation avec une copine de classe, en cinquième.

– Comment as-tu choisi ton / tes nom(s) ?

C’était un palindrome en fait, je sais que c’en était un mais je ne me souviens pas du nom exact, le premier dont je me souviens, parce-que j’ai beaucoup cherché, et changé jusqu’à ce que l’on me dise de garder Lady K, j’étais pas sensée garder ça, c’était un délire d’une nuit, et avant ça j’en avais eu d’autres des tags…

– Quand as-tu commencé, comment et pourquoi ? dans quel état d’esprit

Sur papier, pour pas faire comme il fallait en classe….
En cinquième , je crois que j’ai été choquée réellement par les tanks sur l’autoroute de Belgrade qui allaient au Kosovo.
J’ai probablement refusé toute ces conventions scolaires qui sont destinées à nous apprendre comment devenir de parfaits petits objets de ce système économique et social instauré par des banquiers et autres magnats des affaires qui se cachent derrière des sociétés anonymes, des conventions scolaires aux conventions sociales qui ne sont là que pour servir un système économique.
J’ai commencé par écrire que je détestais mon conseiller d’éducation, puis j’ai cessé d’aller en cours progressivement, finalement, ma seconde je l’ai faite en boite de nuit, et chez moi à peindre et lire, je peignais en m’inspirant de toutes sortes de courants modernes principalement, j’ai donc testé beaucoup de courants du XXème (dada, impressionnisme, cubisme, futurisme, surréalisme, tout ce qui pouvait se finir en « isme » de toute façon)
J’ai essayé le tag, le pochoir, les phrases surréalistes, le ready-made, et les logotypes…
Vers 97 j’ai fait plus de tags, et vers 98 que du tag finalement.
La facilité du dialogue entre le spectateur et l’auteur avec le tag est bien plus facile, on ne passe pas par une expo pour que la production soit vue et donc que l’œuvre se réalise pleinement. Parce qu’une production qui n est pas regardée n’est pas entière, on communique par des moyens plastiques, c’est un dialogue que le tag ouvre avec son spectateur, il est assez intéressant, car il porte plein de facettes. Ça fait 20 ans que je pense à lui, et encore maintenant je lui trouve de nouveaux aspects, c’est un sujet inépuisable, controversé, vaste, nouveau.

graffeuse-lady-k-Bonneuil-2006 Bonneuil / 2006
graffeuse-lady-k-Yank-Montreuil-2014 Montreuil / 2014 feat. Yank

– Que cherchais tu a faire dans ce mode d’expression ? tu le vois toujours de la même manière ?

J’ai commencé par refus des conventions sociales, parce que j’étais une fille, et je voulais faire des activités plutôt destinées aux garçons, alors que je n’étais pas du tout garçon manqué dans mon enfance. J’avais des jolies robes à fleurs, et ne supportais pas les pantalons ! J’ai voulu me réapproprier un espace urbain, y avoir une place pérenne, communiquer le message secret et obscur, qu’est l’art du tag. On peut l’interpréter comme une fidèle peinture du monde reprenant les codifications des sociétés anonymes, pseudonymes, coalition en crews, anonymat, acronyme, investissement dans l’espace urbain…! Comme on peut y voir que la signature est devenue l’œuvre, une performance qui met le corps en mouvement, qui le met en danger aussi, l’expose, il y a quelque chose de vivant dans le graff, le tag. Une envie de dépasser ces conventions, d’aller au delà, pour les sortir d’elles-même.

L’urbanisme s’est agencé de façon a avoir des îlots destinés aux habitations, d’autres aux activités et d’autres aux loisirs. Ces îlots on multiplié les moyens de transports au prorata de l’extension urbaine. Tagger, graffer, c’est mettre en abîme le paysage sur le paysage, que de soit de façon figurative comme un paysage ou abstraite comme un tag.
On peut dire que les impressionnistes sont sortis de leur atelier pour peindre le paysage et les pressionistes sont sortis de ces ateliers pour peindre le paysage sur le paysage, transformant l’espace urbain en atelier à leur tour. Les impressionnistes ont marqué le début de l’art moderne, on peut dire que les peintres étant sortis pour peindre le paysage sur lui-même marque la période d’urbanisme, après la période moderne et contemporaine.
L’art dans les rues a toujours existé, et plus il y a de rues, plus on y trouve de l’art. Le tag, l’art urbain en général, est le reflet d’une ère de plus en plus urbanisée, avec son propre modèle économique, démographique, sociétal, culturel.
Quand on dit art urbain, ça englobe beaucoup de choses, le pochoir, collage, mosaïque, pressionisme (qui engloberait la pratique de la bombe sur toile, faite par des gens faisant des tags et graffs que l’on retrouve dehors). Il y a le graffiti, pour moi, c’est l’inscription que n’importe qui peut faire, sur une table d’école, dans certains lieux publics. Et le graff qui est vraiment le pseudonyme rendu massif avec des intérieurs, des contours, la fresque avec ses décors et personnages venant enrichir le graff. Le tag qui est un pseudo, signe stylisé en calligraphie urbaine, avec de nouveaux styles de lettres qui sont nés dans la rue. Le muralisme, par exemple, qui répond à une logique de commande, on peut considérer une œuvre comme étant muraliste, avec une esthétique graff ou tag, fait par un artiste dont la majorité de son travail est du tag par exemple. Il y a beaucoup de passerelles, que l’on emprunte dans le vaste univers de l’art urbain.
On a besoin de catégoriser les choses pour s’y retrouver plus facilement.

Il y a plein de transversalités, on est dans une période où le réseau, qu’il soit du domaine urbain, de l’information, de la communication, est exponentiel, les moyens technologiques nous permettent de communiquer avec n’importe qui dans le monde, comme de savoir ce qu’il s’y passe. On est dans le domaine de l’échange, du partage.

– Ton domaine de prédilection, les supports que tu préfères ?

J’ai tout aimé, si je m écoutais je dirais les voitures ! j’ai dû préférer les supports dans la ville, pour leur visibilité, et que si possible la place puisse être très grande.

graffeuse-lady-k-Montreuil-2014 Montreuil / 2014
graffeuse-lady-k-Aubervilliers-2014 Aubervilliers / 2014 feat. Louis-Victor

– Ton champ d’action géographique ?

Mon quartier et ce qui se trouvait sur ma ligne principalement jusqu’à Châtelet, voire St Michel, après il y a plus rien à faire ! Non je plaisante, ce coin du Nord-Est Parisien je dirais.
Je me promène aussi ailleurs…

– Dès que tu as commencé à graffer, ou plus tard, t’es-tu intéressée à l’histoire du graffiti ?

J’ai eu ma période histoire du graffiti, les livres étaient peu nombreux, « Du tag au tag » ou « Paris Tonkar », quelques magazines, « Spraycan Art » et « Subway Art » étaient écrits en anglais (et comme je dessinais ou étais dehors plus que dans l’école, on comprendra que des choses échappent a ma compréhension, tel que l’anglais…)

– Es-tu une carriériste du graffiti ? ou plutôt en temps partiel ?

J’aime faire ça, et je n’aime pas faire autre chose, j’aime quand les gens aiment ce que je fais, ça me fait plaisir de leur faire plaisir, les rendre heureux avec ça ! Oui ils sont aussi malheureux quand ils se réveillent avec un tag sur un truc à eux… mea culpa… mais on ne fait pas d’omelette sans casser des oeufs… Je ne parlerais pas de carriérisme mais de passion.

– Comment définis tu ton style, quelles sont tes inspirations ?

Calligraphie anglaise la plupart du temps. Style funky, ou pas… Mes pensées sont mes inspirations que je retranscris plastiquement. Les thèmes sont variables, je m’intéresse à beaucoup de disciplines, ça va de l’économie à la psychanalyse, en passant par la mécanique quantique et biochimique.

– As tu des thèmes récurrents, des associations de couleurs préférées ?

Si je devais avoir un sujet récurrent ce serait les fleurs, mais j’ai pas envie d’avoir de thème récurrent, je ne crois pas avoir non plus d’associations de
couleurs préférées, car j’aime bien explorer des tas d’associations de couleurs, et je ne souhaite pas me limiter à des associations déjà testées… des fois ça fonctionne
des fois non… j’aime l’exploration plastique et esthétique.

graffeuse-lady-k-Marseille-2013 Marseille /2013
graffeuse-lady-k-Paris-2014 Paris / 2014

– Comment vois tu le graffiti dans son essence même ? l’acte de graffer/tagger le style, le graffiti en tant qu’art ou pas, dans la société, etc ?

Pour moi c’est de l’art, tout est art, matière à réflexion… qu’est-ce que l’art dans sa définition ? c’est vaste et subjectif selon les cultures…
Le graffiti dans sa définition englobe l’acte d’inscrire une trace là où ce n’est pas prévu, ça englobe beaucoup de pratiques, d’esthétiques, de plastiques différentes, tout comme l’art urbain. Un mur légal, même avec une esthétique graff, peut-il encore être considéré comme du graffiti, si l’emplacement lui est dévolu ? Ce sont des pratiques nouvelles dans l’histoire, et il leur manque des mots avec des définitions.
Si l’on catégorise mieux les pratiques ( pochoirs, collages, graffs…), contextes (légal ou pas, quel type de support), les esthétiques ( wild, block, abstrait…) on pourrait s’y retrouver plus facilement pour dégager des nuances dans les interprétations, on ne pense pas de la même façon sur une œuvre murale (une commande) à l’esthétique graff que sur un train, puisque le contexte n’est pas le même, et fait partie intégrante de l’acte de graffer.
Le tag, graff a un vaste champs interprétatif, le contexte du support, les variables de ces supports, la pluralité d’artistes s’en servant comme médium, on a pas fini de tourner autour de lui, que ce soit sur un point de vue sociologique, historique, artistique….
L’acte de tagger reprend le concept du pseudo, de la signature, c’est l’art de signer sous une fausse identité, de transgresser le code civil. Cela a ses propres canons esthétiques, règles académiques. Longtemps peu de gens on associé l’art au tag, la majorité ne voulait pas lui octroyer cette noblesse d’être une transcription plastique d’une idée.
Je dirais que l’on enfreint le code civil avec art !
Pour en revenir au tag, c’est l’urbanisme, qui a crée le tag. Les investissements immobiliers, les spéculations, les industries, les banquiers ont crée cet urbanisme. Le tag peut ressembler au ready-made qui authentifie chaque support comme étant une oeuvre d’art, comme il peut se servir de ces supports comme vecteur antagoniste au marketing, comme il peut finir par rendre la simple signature oeuvre d’art, puisqu’un Picasso sans sa signature ne vaut rien… qu’est-ce qui est art au final, l’oeuvre ou l’auteur?
Les tags dans leur anonymat ressemblent à ces actionnaires anonymes, la société fabrique son art. Le tag comme l’art en général communique, dépeint une société, en se posant directement sur sa matière… il s’inscrit dans cet héritage culturel, cet environnement social et économique…il peut aussi être ce refus des lois, c’est Napoléon qui a unifié la législation en France, et l’a fait codifier par Portalis et ses potes. C’est aussi Napoléon qui a légalisé le fait que des gens autres que l’Etat puissent fabriquer de la monnaie, et Napoléon était aussi actionnaire d’une banque. Taguer c’est enfreindre une loi, une loi héritée de la codification juridique de Napoléon.
A chaque fait marquant de l’histoire, nommé « Révolution », il s’avère que le système politique a été modifié pour favoriser l’essor du capitalisme, qui nous offre cet urbanisme actuel. Cela à aussi donné la possibilité aussi à chacun de pouvoir accéder à des fonctions qui était autrefois réservé à une caste aristocratique, chose que l’on toujours faire aujourd’hui ceci dit, sans titre.

Est-ce que le tag n’est que le reflet artistique, intuitif, d’un monde régi par des actionnaires anonymes ?

– Une préférence pour quel type de mission?

Je fonds littéralement pour un plan dans la ville ! Et j’espère en secret des murs tous blancs avec des True Colorz.

– Le graff ou tag dont tu es la plus fière ?

Avec Sista et Zoom, on a fait un truc qui est passé dans les fait divers du Parisien…

– Certaines graffeuses t’intéressent ? (tous pays, supports confondus)

Oui évidemment, parce-que ce sont des filles, ou bien simplement des êtres humains qui peignent, sans qu’une distinction s’opère sur des critères physiques… Forcement Lady Pink parce-que parmi les premières, Liza et son style de fou, Jolee pour ses tunnels, Darcy, Fancy, Kensa, Sista, Else, en fait j’aime bien savoir qu’il y a des filles qui peignent, aussi Lenny, Redly, Shai, Veka, etc…. Mon chef d’atelier aux Beaux-Arts, Jacky Chriqui, m’a dit un jour ce que c’était que l’on puisse en tant que femme, vouloir faire des choses réservées aux hommes. C’est une façon de revendiquer nos droits, d’être respectées et considérées en tant qu’être humain, et non pas des « sous-hommes ». Les Beaux-Arts par exemple ont été ouverts aux femmes seulement aux alentours de 1950.

graffeuse-lady-k-bodypainting-2014 Modèle : Sarah / 2014

– Des regrets?

Aucun, je peins pour les oublier, après avec des si, on pourrait graffer le Concorde, un Boeing, un paquebot, la Tour Eiffel…

– Des mauvaises expériences?

Aucune en vrai, on relativise avec le temps…

– Puisque l’on parle d une discipline illégale, le vol est-il une pratique que tu connais ?

De la peinture, j’en achetais et j’en volais, l’acquisition faisant partie du concept. C’était pour donner l’occasion aux gens de pouvoir faire de l’art, même sans financement. Faire de l’art est onéreux, et ce coût limitait la catégorie sociale qui pouvait avoir accès à des pratiques picturales, quand on voit le prix des toiles, des pigments… Le tag offrait la gratuité du support, ainsi que des couleurs. On peut aussi y voir le reflet d’une logique économique où l’industrie prend ce qui sort de la terre, pour le revendre, on reste dans un fidèle portrait économique et social du monde, ou l’on prélève les bombes, comme les industries prélèvent les richesses terrestres pour les revendre avec des société acronymes et anonymes, comme on se sert des bombes pour pratiquer l’art du pseudonyme !

– As tu d’autres occupations, intérêts, auxquels tu consacres du temps également?

Voir LV grandir, aller au jardin des plantes, kart, poney, cité des sciences, Disneyland, parc… Lire, cuisiner, penser, écrire…

– Tu peins toujours? si non, comment se passe ta vie sans graffiti?

Sans graffiti elle est aussi vide de sens que possible, peindre et accessoirement respirer les vapeurs des sprays me rend heureuse.

– Expériences de garde à vue ?

Des tas puisque je n’attendais pas qu’il n’y ait personne, premier jour du plan vigipirate je descends de la voiture je crois pour tagguer, j’ai pas vu le car de CRS qui lui m’a vue..
En une vingtaine de gardes à vue, avec Sarko et la loi pour les récidivistes, voir mes potes partir avant moi de la GAV (bon j’avais tout pris pour moi, puisque de toute façon c’était mon idée) et me retrouver après je sais plus combien de temps déférée toute seule…
Dormir dans une cellule toute petite avec trois autres filles, à Lille, il n’y a qu’à Lille qu’on voit ça, sinon je suis seule en général, celles de Marseille sont bien fraîches !
Sinon attachée au radiateur parce qu’il n’y a pas de cellule vide pour moi…!!!
Sortir de GAV (pour le tunnel avec Foks, Cok, Zorck, Reper) et graver la vitre d’un véhicule de police…

– Tu dessines beaucoup? As-tu besoin de dessin sous les yeux quand tu peins?

J’aime diffuser de la musique en boucle pour rester concentrée sur le dessin, et j’aime aussi le silence pour dessiner. Des fois c’est réussi des fois c’est raté, c’est aléatoire, ça peut pas être bien tout le temps.
J’aime aussi écouter un film, quand je peins chez moi, ça me donne l’impression de ne pas être seule !
Ça dépend de ce que je fais, pour le modèle, si je veux explorer quelque chose que je ne maîtrise pas, je peux me servir de mon dessin pour lui donner des variantes sur un autre dessin, ou sur un mur pour tester de nouvelles lettres. J’aime la spontanéité, ne pas avoir de croquis, c’est possible que quand on maîtrise le sujet.

– Une pièce que tu as vue et qui t’a marquée (en vrai ou en photo)…

Il y en a beaucoup, je dirais, la canette de 8°6 de Noé et Alex, le petit qui donne un coup de pied à la mort de Mode2, la jeune fille à la fenêtre de Lady Pink, les pièces de Futura que j’adore, le minimalisme de Dondi, les persos de Miss Van, les lettres de Bando, les punitions d’Azyle… Des tas, elle sont souvent super connues de toute façon…

– Ton top 5 musical ? (transformé en top 6)

Breakfool / Rah Digga
Qu’est-ce qu’on attend pour foutre le feu ? / NTM
End of dayz / Vinnie Paz
I shot the sherif / Bob Marley
L’ouverture du lac des cygnes / Tchaïkovski
Ancrés dans le sol / Inglourious Bastardz

– Tu suis l’actualité, l évolution du graffiti dans ta ville ou même en France ? Des graffeurs, graffeuses actuels que tu as retenus ?

Je retiens les tags du FLNC qui vient d’être dissout et ça me navre, les phrases sur les murs, celles de Swik à Stains dans le 93, celles d’ici aussi, j’adore les phrases….
il y en avait une à Stains qui avait été faite pour un film, « non à la guerre en Indochine », sur les briques rouge de nos murs stannois, elle a été effacée il y a pas longtemps, je le déplore aussi…
Je suis d’accord avec le discours de Swen sur le marché de l’art et certains artistes urbains qui n’ont rien fait ou presque dans la rue, à contrario de ceux comme Sezam par exemple qui en ont beaucoup fait. Dans « street art » il y a le mot « street » et chez certains artistes «street art» ils utilisent plus souvent la « street » pour aller chercher du pain que pour y peindre, comme dit Geb 74…
L’art urbain au final tout le monde s’y met car c’est dans l’air du temps, comme l’art moderne en son temps. C’est pas plus mal que Warhol ait caché cette forêt, car l’occulter de la scène artistique, a pu amener des gens vraiment passionnés, qui n’en faisaient pas principalement pour l’argent, mais par passion, par anti-conformisme, par révolte, par ténacité, et de créer toutes ces esthétiques à l’écart d’une préoccupation pécuniaire immédiate. Pour y créer des années plus tard cette effervescence aussi bien chez les artistes, que chez presque tout le monde à présent.

Interview # CAMO

Aux supports illégaux qu’elle a testé en début d’activité, Camo a préféré l’ambiance tranquille des terrains qu’elle partage avec ses amis. Et elle assume !

– nom(s) : Camo, Banjo, Geil
– dates d’activité : depuis 2003
– crew(s) : BR, GPL, 8U, FAV, IBS….et tous ceux inventés saouls qui durent le temps d’une soirée !
– âge : 28 ans
– ville : Nantes


– Quand et Comment as-tu découvert le graffiti ?
– Quand as-tu commencé? Comment, pourquoi le passage à l’action ? Dans quel état d’esprit ?

Avec des nouveaux potes lors d’une saison de taff l’été 2003, je découvre le tag. Je suis nulle, le tag ça n’a jamais été mon truc. Puis un jour je vais voir ma pote PONY peindre, je glandais derrière elle à discuter. A un moment elle m’a dit « vas-y, prend des bombes, essaie ! ». Et j’ai jamais arrêté après.

– Que cherchais-tu à faire dans ce mode d’expression ? Tu le vois toujours de la même manière ?

Au début c’était un passe-temps, puis un défouloir. Dernièrement c’est limite devenu une corvée, j’ai plus le temps !

– La 1ère bombe ou le 1er marqueur que tu as tenu en main, ton 1er tag / graff, tu t’en souviens ? Dans quelle ville et sur quel support ?

J’ai fait mon premier tag à Angles, dans le camping municipal avec mes potes Moka et Jacob, sur les WC publics du bled et sur des feuilles et des feuilles de bloc notes.
Mon premier graff, sous un tunnel avec ma pote PONY et son frère KILT, à La Roche-sur-Yon pas loin de Nantes, sur un mur légal. C’était une bouteille de lait, à l’époque je posais MILK, comme 3/4 des meufs qui commencent dans le graff.

– Comment as-tu choisi ton / tes nom(s) ?

Camo c’est en rapport avec mon prénom, Banjo ça part d’une plantade un soir au lieu de dire « BANCO! » comme on avait l’habitude de dire avec des potes j’ai dit « Banjo » et c’est resté (il faut dire qu’à l’époque des Traktor, un crew de potes, on trouvait des blases un peu n’importe comment au gré des soirées et des blagues), Geil c’était en allemagne à Berlin avec mon pote Astre, ça signifie « top bamboule » et « graveleux, vicieux » également, j’avoue que c’est de l’Allemand, j’y comprends rien, j’ai jamais été traduire sur l’interweb, faudrait peut être que je le fasse ça a peut être absolument rien à voir… pas grave.  

ACER Paris / 2007

graffeuse-banjo-nantes-2008 Nantes / 2008

– Quel genre de supports préfères-tu ? Dans quelle ambiance ?

Un bon vieux mur pas trop poreux, pas trop lisse, qui s’effondre pas quand tu racles un peu trop, je suis pas difficile. La tôle et les murs pas plats ça me gave, je suis pas dans le défi ni la prise de tête.
Mon ambiance idéale : terrain vague, barbecue, bières (très important) et buissons pour faire pipi.

– Ton champ d’action géographique ?

De Nantes à Brest, Toulouse, Besançon, Paris, Lille. J’ai été à Berlin aussi pour un jam de filles en 2008. En suisse aussi j’ai peint, à Montréal…enfin quand je pars en vacances je vais chez des copains graffeurs, en Belgique, etc….

sheron-banjo-berlin-2008 Berlin / 2008 feat Sheron

– Dès que tu as commencé à graffer, ou plus tard, t’es-tu intéressée à l’histoire du graffiti ?

Franchement je m’y suis jamais intéressée, j’ai dû acheter un magazine de graff dans toute ma vie (un Non-Stop) pour le modèle de train qu’il y avait dessus parce-que c’était mon préféré. Les blazes je retiens pas, je retiens que les blazes des gens que j’ai rencontré et encore… j’ai une mémoire de poisson rouge, c’est flippant. Les histoires en mode « Voici » du graffiti ça me fait marrer (c’est mon côté putasse) mais sinon ça ne m’intéresse pas vraiment.

– Es-tu une carriériste du graffiti ? ou plutôt en temps partiel ?

Je ne suis pas une carriériste du graff, je suis à temps partiel, voire limite en congé maternité depuis 2 ans vu ma non-activité dans ce domaine ! Je ne me suis jamais permise de penser que j’avais du talent et que je pourrais en vivre ou faire des expos ou des plans déco, j’avoue que si on me propose un jam ça va mais si on m’invite en Pologne pour peindre un pignon d’immeuble je serais bien stress de me chier dessus!

– Avec qui as-tu bougé dans ta carrière ? Les rencontres qui t’ont marquée…

J’avoue que j’ai rencontré beaucoup de monde, c’est une activité (car pour moi c’est un passe-temps, pas une passion) qui permet de rentrer en contact avec énormément de gens. Je ne pourrai jamais faire une liste de toutes les personnes que j’ai découvert. Ceux qui m’ont marquée sont ceux qui sont restés de vrais amis, ou qui m’ont permis de vivre des choses vraiment cool : Astre et Sheron de Berlin, Dirti avec qui j’ai commencé, Persu, Pony, Paella, Fluor, Bikini, Isma, etc…et le meilleur pour la fin : celui avec qui j’ai évolué et qui partage ma vie et me supporte : Aise.

J’ai du mal à concevoir le fait que le graffiti puisse être un passe-temps, tu peux m’expliquer comment tu fais pour avoir un tel recul sur la discipline ? Question de personnalité, de vision de la vie ?

En fait au début c’était un loisir, mais un truc qui me tenait plus à coeur que la pâte à modeler ou les bracelets en perles par exemple. Et puis j’ai commencé à rencontrer d’autres gens dans le graffiti, et très vite je me suis rendue compte que les graffeurs, malgré le côté « underground » étaient pas mal fiers d’eux, voire arrogants, à se la raconter « ouais j’ai fais pas mal de panels, blablabla… », et j’ai toujours détesté les gens prétentieux et pédants, ça m’horripile. J’ai beau paraître grande gueule je suis une vraie fillette au fond et les gens qui s’imposent ça me met très mal à l’aise. Du coup débarquer dans un monde essentiellement masculin où c’est souvent un concours de couilles, ça m’a vite gavée. Cela dit j’ai quand même réussi à rencontrer des tas de gens cools pas prise de tête avec qui le graff c’est la fiesta et on n’est pas là pour pisser sur les plates bandes des autres, je me suis fait de très bons amis, faut pas non plus généraliser ! À une époque je faisais des graffs pour me foutre gentiment de tous ces gens qui se la pétaient autour de moi, je faisais des pièces « Camo est géniale », « Camo est drôle », « Camo est sympa », etc… mais personne n’a compris ma démarche, en même temps je crois que c’est la première fois que je l’explique…(shah, j’aurais du choisir buse3000 comme blase…) Et puis après j’ai fait en sorte que le graff n’ait jamais une part trop imposante dans ma vie : j’ai pas fait beaucoup d’études (quasi pas en fait), j’ai bossé très vite avec un taff prenant où j’avais pas forcément mes week-ends de libre donc j’ai vite pris du recul par rapport à tout ça (en plus d’une mésaventure en 2008 que j’ai pas envie d’évoquer et qui m’a fait du tort mais beaucoup relativiser). J’estime avoir quand même fait pas mal de pièces, j’étais assez productive entre 2005-2008 mais voilà, on se fixe d’autres priorités, les histoires dans ce milieu et ma personnalité on fait que j’ai jamais voulu y attacher trop d’importance pour me protéger, même si le graffiti englobe ma vie au final.

graffeuse-camo-nantes-2008 Nantes / 2008

graffeuse-camo-nantes-2009 Nantes / 2009

– Comment définis-tu ton style ? Qui/quoi t’inspire, t’a inspiré ?

Mon style est simple : enfantin et consanguin. J’ai une façon de faire mes traits qui font que beaucoup croient que je fais du pinceau, et bien non c’est uniquement à la spray. Je ne travaille pas (ou très peu) les lettres mais les contours, les effets. Je ne dessine presque jamais, c’est souvent de l’impro. Je m’inspire des dessins des gosses ou de trucs que je vois dans la rue : des tags de gamins ou de mecs bourrés, des dessins exposés sur les vitres des écoles primaires,des pubs débiles, des formes chelous que tu peux voir sur un mur et où tu vois un dessin apparaitre grâce au pouvoir de l’imagination (je parle comme Bob l’éponge).

– Je t’avouerais que je n’aime pas vraiment le style ignorant, mais je reconnais que c’est assez travaillé, ça m’intrigue souvent. C’est un peu effet Kiss Cool, cette contradiction entre le type dessin d’enfant comme tu dis, et le temps passé sur les détails. Ça ne te dérange pas d’être automatiquement associée à un mouvement particulier du graffiti ?

C’est drôle parce que-pour les wildstylers je fais de l’ignorant, et pour les gens qui font de l’ignorant je fais pas vraiment partie de ce style… perso j’ai jamais considéré que je faisais partie de je ne sais quel type de graff, je m’en fous royal de pas avoir un style prédéfini, du moment que je prends du plaisir à peindre c’est tout. Et que les gens avec qui je peins n’aient pas du tout le même genre de graff que moi je m’en contrefiche, c’est la personne qui m’intéresse, pas ce qu’elle fait. Je sais faire des traits propres et droits, je pourrais travailler les lettres mais c’est pas mon truc. L’avantage c’est qu’on sait quand j’ai fait une pièce, les gens reconnaissent direct mes graffs, c’est une petite fierté d’avoir mon propre style (sans vouloir me la donner bien sûr !)

– As-tu des thèmes récurrents, des associations de couleurs préférées ?

Le thème : fantaisie colorée (haha, c’est nul !). On a fait une fresque un jour qui avait pour thème : obstruction vaginale pour croquettes de chiens et taupes tropicales. Et bien j’ai cartonné avec ma pote Bikini ! On n’a pas de limite!
Sinon en couleurs c’est jaune-orange-rouge, et tout ce qui est pimpant.

– Comment vois-tu le graffiti dans son essence même ? (l’acte de graffer/taguer, le style, le graffiti en tant qu’art ou pas, dans la société….)

Là j’avoue que je sais pas trop quoi répondre… c’est une façon de montrer une part de sa personnalité ? ou de se la péter ? ou de vendre des toiles pour se faire des ronds? ahah j’avoue que ça avait un côté « rebelle » à une époque, un peu incompris, punk, je sais pas trop comment définir, je trouve pas les bons mots. En soi ça fait monter l’adrénaline sur certaines actions et ça a un côté exaltant. Nous on fait ça avec de la peinture, d’autres c’est la musique, d’autres des blogs sur les chats, chacun sa manière de s’accomplir vraiment dans un domaine qui lui correspond et à sa façon.

– Le graff ou tag dont tu es la plus fière

Un Camo que j’ai fait à Brest, je le trouvais cool (ce qui est rare). Je me rappelle c’était un mur avec Aise, Tyloo, Pax 49, Sider, Torpen et Dirti.
Sinon les combinaisons au pulvérisateur que l’on fait avec Aise, on a beau avoir des styles complètement différents, on s’associe bien sous le nom de « Game Over ».

– J’ai vu ça oui, j’aime beaucoup le rendu… c’est quoi le concept ?

Honnêtement quand je suis arrivée sur le mur j’avais juste une liste de trucs à faire pour cette pièce: toiles d’araignée, pyramide, nuage avec éclair, etc… j’avais décidé de faire un graff avec tous les symboles qui tournaient à cette période sur les fresques, pour après pouvoir rigoler sur le fait de dire : « ouais j’ai déjà fait un graff avec ça ! », du coup j’ai accumulé pas mal de détails et au final je trouvais ça bien (au delà de la blague de départ).

graffeuse-camo-aise-mite-aquitaine-2011 Aquitaine / 2011 feat Aise et Mite

graffeuse-camo-aise-mite-aquitaine2-2011 Aquitaine / 2011 feat Aise et Mite

– Certaines graffeuses t’intéressent ? (tous pays, supports confondus)

Ma pote Sheron de Berlin, c’est la première fois que j’ai pu peindre avec un fille qui a un style « ignorant ». Il y a Fefe aussi qui a un univers qui cartonne. MadC qui fout une mandale à pas mal de wildstylers. Après je connais peu de filles en France avec qui j’ai peint mais au moins on a toutes un caractère et un minimum de couilles, peu importe nos styles !
A ce propos, il faut savoir que j’ai mon complexe d’infériorité à Nantes, mes potes ne m’ont jamais prise au sérieux dans le graffiti, on m’a pas mal taquinée sur le « t’es pas vraiment une graffeuse », je faisais style que ça me touchait pas mais ça m’a toujours blessée et j’ai jamais réussi à m’imposer alors que partout ailleurs on m’invitait en soirée ou sur des murs et on respectait un minimum ce que je faisais et qui j’étais. Je pense que ça vient pas mal aussi du fait que quand t’es une fille et que la plupart des gens que tu côtoies peignent il y a de grandes chances que tu sortes avec un graffeur et très vite le côté patriarcal de notre société revient au galop et tu te retrouves vite définie en tant que « meuf de ». Else parle dans son interview d’entendre des gens dire à propos de ses pièces « je croyais que c’était un mec » et j’avoue moi-même ça me faisais plaisir d’entendre ça parce que tu considères que les gens évaluent ta pièce en elle même et pas le fait que tu sois une fille. Inversement quand tu te retrouves à dire « je fais du graff » direct t’as la réflexion « ah ouais tu peins des personnages de filles comme Fafi ! », la réflexion qui me met hors de moi et à laquelle j’ai juste envie d’être méchante, je déteste qu’on me catalogue juste parce que je suis une fille et que de ce fait je devrais forcément faire comme la meuf connue dans le graff en France, ce à quoi le mec rajoute souvent histoire de s’enfoncer: « en plus elle est trop bonne ». Putain est-ce que nous on parle du cul des mecs sur les photos de graffs ? On devrait parasiter nous aussi les blogs graffiti en commentant les photos in action par des « pas mal le boule ! » « il a l’air sacrément harnaché le coquin » et ne rien dire sur les pièces. Tu vois la base du site Graffgirlz était chanmé et ça a commencé à être assailli par des meufs qui peignaient depuis 3 mois parce qu’elles étaient sorties avec des graffeurs et elle passaient leur temps à envoyer des tonnes de photos d’elles en bikini en train de peindre des bouses pour se la jouer « ouais je fais du graff et je suis trop bonne ». Meuf respecte toi un minimum et peut être que tu deviendras vraiment intéressante ! En fait être une fille dans le graffiti c’est pas simple : il faut avoir un minimum de corones pour se faire une place sans être jugée sur ton sexe, c’est sûrement pour ça que toutes les « vraies » graffeuses (je parle des meufs qui peignent pour elles et pas pour se donner un style) ont un caractère bien trempé, et j’aime ça ! Sinon pour être connue tu peux toujours coucher ça peut peut-être marcher mais en étant cataloguée pute du graffiti et le mot « pomper » un style prendra tout son sens (ouah punaise je me suis surpassée pour cette vanne).

– Des mauvaises expériences ?

Nein, même mon arrestation à St Ouen le jour de mes 20 ans, j’ai trouvé ça drôle, c’était une expérience débile, les gendarmes étaient cinglés (surtout les meufs, complexe d’infériorité peut-être…)

– As-tu d’autres occupations, intérêts, auxquels tu consacres du temps régulièrement ?

Ma naine, les copains, le taff, la bière, et le graffiti et ses ragots débiles.

– Tu peins toujours ? Si non, comment se passe ta vie sans le graffiti ?

Quasiment plus. une à deux fois par an depuis 2012. La honte je sais… J’essaie de faire des efforts pour faire des pièces avec mon mec car nos combinaisons sont vraiment cool et ça me change, ça me faire travailler différemment et j’aime ça, c’est hyper intéressant.

– Tu dessines beaucoup ? as-tu besoin de dessin sous les yeux quand tu peins ?

Hein, j’aime pas dessiner, ça me gonfle, je laisse ça à ceux qui savent sketcher.

– Ton top 5 musical ?

Bohemian Rhapsody / Queen (je suis une grande fan de Queen)
I’m so bored with the USA ou Rock the Casbah / The Clash
Distractions / Zero 7 (mon côté sentimental)
Disparate Youth / Santigold
et parce-que c’est une interview « fille » : Bad Girls / M.I.A.

– Une pièce que tu as vue et qui t’a marquée (en vrai ou en photo)…

Toutes les démos en magasins Ikea (pardon c’est nul). Non sérieusement les pièces de Kazy et celles de l’Outsider défoncent toutes. Les Zoer et Velvet aussi. Obisk également est très fort.

– Tu suis l’actualité, l’évolution du graffiti dans ta ville, ou même en France ? De quelle manière ? Des graffeurs, graffeuses actuel(le)s que tu as retenus ?

Oui bien sûr : mon mec est toujours actif. 90% de mes potes sont graffeurs donc forcément je suis au courant de pas mal d’actualités. Les nouveaux arrivants je les connais pas mais le manque de respect évident dont ils font preuve m’agace énormément (toy sur les voies ferrées et dans la rue). Nantes est une ville assez cool au niveau du graff, on a de quoi peindre, on se connaît tous, il y a eu des embrouilles à une époque mais tout ça est derrière désormais, quand on se croise en soirée c’est la fête.
Il y a une valeur montante à Nantes qui vaut le détour : ORIBLE (pas mal de toits en couleur, de la qualité). C’est vrai qu’on l’a connu quand il avait 12 ans sur les terrains donc c’est devenu mon chaton mais il a beaucoup de talent !

graffeuse-camo-nantes-2010 Nantes / 2010

graffeuse-camo-banjo-nantes-2010 Nantes / 2010 feat Gemma Corell

graffeuse-camo-2012 Nantes / 2012

Interview # CANDI / BULE

Candi accepte rarement les « projets filles » et autres interviews. Loin de la scène parisienne, c’est une graffeuse très productive et adepte de la couleur…

– nom(s) : Candi, Bule
– dates d’activité : 2000 à aujourd’hui
– âge : 33 ans
– pays : Sud-est/Sud-ouest de la France, Portugal

– Quand et Comment as-tu découvert le graffiti ? Quand as-tu commencé ? Pourquoi le passage à l’action, dans quel état d’esprit ?

J’ai toujours beaucoup dessiné, et ado, j’étais passionnée par les typographies. Je m’amusais à les recopier, en changeant les mots, les phrases, en mettant des couleurs. Je ne savais pas que j’étais déjà en train de m’initier au graffiti en quelque sorte, l’attirance pour la lettre était inévitablement là.
J’avais déjà expérimenté des tags sur le mur du collège, qui m’avaient valu une journée d’expulsion. Ça m’avait plu, mais je ne pourrais dire pourquoi, si c’était l’acte rebelle en lui-même ou l’acte artistique, expressif.
J’ai découvert le graffiti par hasard, vers 1997/1998. Au lycée, il y avait des graffeurs, et je me disais : « moi aussi j’aimerais ». Quand il y a eu des grèves au lycée, nous sommes allés manifester à Toulouse. Nous étions montés en train, et là, en arrivant sur Toulouse, j’ai vu tous ces murs de voies ferrées peints, pleins de couleurs. J’ai trouvé ça super. Toulouse, c’était LA ville du graffiti dans les années 90 : tous les murs étaient peints, il y avait des flops, des pièces, des peintures partout : la True Skool, Sike, Kensa, Miss Van, etc etc etc.

Plus tard, j’ai volé des sprays dans une sorte de magasin de dépôt de trucs militaires. J’ai fait mes premiers tags et graffs, dans la rue et sous des ponts. Je kiffais faire des trucs de nuit, pendant que les gens dormaient ou étaient tranquillement chez eux. Je me préparais des petits sketchs, que je mémorisais, et j’allais les refaire.
Pendant quelques temps, j’ai peint seule. Ce n’était pas très productif, mais l’envie y était.
En 2000, j’ai sympathisé avec des graffeurs. Et là c’est vraiment parti pour de bon. J’ai découvert qu’il existait un vrai « monde » derrière les sprays : des gens, des crews, différents supports, différentes sprays, différentes façons d’appréhender les choses, etc.

graffeuse-Candi-Bule-2003-Toulouse Toulouse / 2003

graffeuse-Candi-Bule-2004-Barcelone Barcelone / 2004

– Que cherchais-tu à faire dans ce mode d’expression ? Tu le vois toujours de la même manière ?

Je ne cherchais rien de particulier. Juste à me faire plaisir.
Je pense que je trouvais ça excitant de faire quelque chose que peu de monde faisait. Je trouvais cela original. Et puis ça collait carrément avec mes envies plastiques. Très rapidement, je me suis passionnée, et j’ai pris goût à la bombe et à la peinture sur grande surface. Je m’y retrouvais totalement. Il y a eu une résonnance, c’était mon truc.
Il fut une période où j’étais carrément boulimique de la peinture. J’avais tout le temps besoin de taguer, de marquer mon passage avec mon blaze, de laisser une trace. Je sketchais énormément, je peignais beaucoup. Tout tournait autour du graffiti. C’était un style de vie.
Aujourd’hui ce n’est plus du tout le même ressenti. Je n’ai plus ce besoin compulsif. Le graff n’est plus une obsession, mais je prends toujours autant de plaisir à peindre.

– Comment as-tu choisi ton / tes nom(s) ?

Bule, ça vient des Powerpuff Girls. La série est sortie fin 1998, et j’adorais le graphisme. Les 3 héroïnes sont (en français) Bulle, Belle et Rebelle. J’ai juste pris Bulle et enlevé un « L ». Quand à Candi, je trouvais que ça faisait féminin. J’aime les lettres et la sonorité. Mais je change souvent de nom, histoire de changer aussi de lettres.

-Candi, Bule, ce sont des mots existants. Il faut obligatoirement une signification pour tes noms ?

Je trouve qu’un mot/prénom c’est cool! Et oui, je pense qu’un blaze doit avoir une signification, du moins pour celui qui se l’approprie.

– As-tu gardé les photos de tes 1ers graffs ?

Pas pour les tout premiers. En plus, jusqu’en 2004/2005, je n’avais qu’un appareil argentique. Du coup, je ne prenais qu’une photo à chaque fois, pour économiser la pellicule, et elles n’étaient pas toutes réussies.

graffeuse-Candi-Bule-2005-Faro Faro / 2005

OLYMPUS DIGITAL CAMERA Bilbao / 2006

– Ton domaine de prédilection, les supports que tu préfères ?

Je n’ai pas vraiment de support préféré. Ce que j’aime par dessus tout, c’est quand le support est vierge et original, quel qu’il soit : mur, métal, fixe ou roulant.
J’aime les endroits déserts, où on a l’impression que le temps s’est arrêté : un dépôt avec ses trains qui dorment, une usine désaffectée, un bâtiment abandonné, un mur oublié…

– Ton champ d’action géographique ?

C’est une question étrange. Je n’ai pas de champ d’action géographique. Je peins là où je me trouve, quand j’en ai envie.

– Tu fais pas mal de couleurs plutôt travaillées vues de la rue. Ce sont des plans autorisés / tolérés ou illégaux ?

Ce sont des plans illégaux. C’est ce que j’explique précédemment : j’ai envie de peindre, je peins. Toutes ces pièces sont faites « au culot ». Puis, je peins en couple, donc je pense que ça aide. « Ça passe mieux », comme on dit. Je repère un mur qui me plaît, je m’installe, j’ouvre les pots de peinture – du coup, ça aussi, ça passe mieux que des sprays – et je peins. Plutôt rapidement, le but n’est pas de rester 3h et de se faire arrêter non plus. Si quelqu’un vient me parler, voire râler, je discute avec lui, et souvent c’est ok. Mais il y a aussi eu des fois où la négociation n’a pas été possible, et j’ai dû remballer.

– Il est vrai que sur murs poreux, on a le réflexe de peindre en chrome qui recouvre presque tout (moi la 1ère)… D’où te vient l’idée de peindre systématiquement au rouleau ? Peu de gens font ça à la finale je me dis que c’est moins rapide, plus galère de transporter le matériel ?

Au début, je peignais avec du chrome, comme tout le monde. En 2005, j’ai rencontré Dyva et Haeck, et ils faisaient leurs fresques (dont l’intérieur des pièces) aux rouleaux. J’ai trouvé ça génial. Depuis, je peins la plupart du temps comme ça, par contre je fais toujours mes contours et effets à la spray.
J’ai trouvé plusieurs raisons de m’y mettre : j’ai senti que c’était moins « cramé » de faire du vandale avec des pots de peinture et des rouleaux. Puis je n’aime pas la tristesse de la couleur chrome. Sur les terrains idem, je fais toujours aux rouleaux, j’adore peindre comme ça. J’aime la façon de procéder, le rendu. Et, quand on sait y faire, c’est aussi rapide qu’à la spray, on développe des techniques pour y aller vite et moins galérer. De plus, c’est très économique (j’ai un bon sponsor).
Alors je me trimballe avec mes pots et mes rouleaux dans la rue, sur les voies ferrées… Clair que c’est moins pratique mais c’est ma façon de peindre, et à force je suis bien organisée.

– Dès que tu as commencé à graffer, ou plus tard, t’es-tu intéressée à l’histoire du graffiti ?

Au début, pas du tout. Pendant les premières années où j’ai peint, ça ne m’intéressait pas. D’autant que je ne suis pas issue de la culture Hip Hop, car j’écoutais du rock, du punk, du hardcore. Puis, au fur et à mesure où j’ai évolué dans ce monde, je me suis intéressée à ce qui s’était fait dans les années 80/90 et aux débuts du graffiti. J’ai aimé regardé Spraycan Art, et d’autres bouquins représentant cette époque. Mais pour autant, je ne me suis jamais sentie proche de ces temps révolus, ni de la façon dont ils vivaient le graff. C’était autre chose, ça n’a rien à voir avec mon mode de fonctionnement et avec mon époque, je ne m’y retrouve pas.

– Es-tu une carriériste du graffiti ? ou plutôt en temps partiel ?

Aucun des deux. Faire de la quantité, avoir de la reconnaissance, être populaire, ça ne m’intéresse pas. J’ai toujours peint uniquement pour moi, par passion, envie et plaisir. Mon activité graffiti a toujours eu un rythme constant et homogène durant ces 14 dernières années, ça a été très régulier.

OLYMPUS DIGITAL CAMERA Alentejo / 2008

– Avec qui as-tu bougé dans ta carrière ? Les rencontres qui t’ont marquée ?

Yellow est celui qui m’a appris les grandes lignes du graff, et qui m’a mis un pied dedans. J’ai aimé passer du temps et peindre avec Dyva et Else. C’était super de partager la peinture avec d’autres filles. Ma rencontre avec les AL’S m’a beaucoup influencée sur la façon de voir le graffiti, et j’ai pas mal peint avec eux (Dope, Otist, Cure, Defo, Renz, Flip). J’ai adoré bouger avec mes copines portugaises (Raye, et les OGA : Nuria, Glam, Maria Imaginario). Peasd et Azur sont deux copains avec qui j’ai beaucoup peint aussi, et j’adore le style de Peasd.

graffeuse-Candi-Bule-2009-Lisboa Lisboa / 2009

graffeuse-Candi-Bule-2010-Lisboa Lisboa / 2010

– Comment définis-tu ton style ? Qui/quoi t’inspire, t’a inspiré ?

Je ne saurais pas définir mon style. C’est assez difficile à dire. Je m’inspire des choses que je vois autour de moi, de mon propre univers. J’aime les choses simples, colorées. Je peins avec des pots de peinture et des sprays volées, et je ne sais pas trop peindre à la Montana. Du moins, quand je dois faire un intérieur à la bombe, je suis perdue ! J’aime peindre avec des pots de peinture, cela doit faire 10 ans que je peins de cette façon, et je ne changerais pas pour rien au monde.

– As-tu des thèmes récurrents, des associations de couleurs préférées ?

Ce que j’aime, c’est prendre les pots de peinture au hasard, et une fois sur place les ouvrir, et découvrir des combinaisons de couleurs auxquelles je n’aurais jamais pensé. Ça crée de jolies surprises.

– Comment vois-tu le graffiti dans son essence même ? (l’acte de graffer/taguer, le style, le graffiti en tant qu’art ou pas, dans la société….)

Selon moi, c’est une action artistique éphémère, quelque chose de spontané. Réalisé dans la rue ou dans un espace ouvert, où tout le monde peut le voir. Je ne conçois pas qu’on puisse l’associer au Street Art, encore moins qu’il entre dans un musée ou dans une expo. C’est complètement contradictoire et ça ne veut rien dire. Je n’aime pas le voir démocratisé, et je n’apprécie pas qu’il soit attribué à des fins commerciales. Les Agnès B. et compagnie, tout ça me gave, et c’est du grand n’importe quoi. Par contre, je conçois tout à fait qu’un graffeur passe du côté de l’artiste, et réalise un boulot totalement différent de son univers graffiti.

– Une préférence pour quel type de mission ? (soirée tag, repérage, autoroute bruyante ou tunnel silencieux, terrain vague et barbecue, etc….)

J’ai une attirance pour les endroits inhabituels, vierges de tout passage ou peu connus. Et de préférence placés sur une trajectoire empruntée, de façon à ce que ce soit vu.
J’aime peindre avec des amis, mais j’apprécie aussi une mission en solo ou à deux.
Je n’aime pas les plans repérages trop long, c’est une perte de temps pour moi. J’apprécie carrément les peintures au culot, je vois un spot, je me dis « je veux peindre là », et je le fais.

graffeuse-Candi-Bule-2011-Nice Nice / 2011

– Certaines graffeuses t’intéressent ? (tous pays, supports confondus)

Mes amies portugaises : on a pas mal trainé ensemble quand j’habitais là-bas. Elles ont une façon de vivre le graff qui n’a rien à voir avec toutes les personnes rencontrées en France (hommes femmes confondus), et j’aime ce qu’elles font. J’aime aussi le style de H2Oney. Certaines espagnoles aussi, je pense à Fly, Yubia, Cloe, Mali.
J’aime bien ce que fait Rosy aussi.

– Je ne connais pas du tout le graffiti ailleurs qu’en France. Qu’ est-ce qui est différent entre des pays comme l’Espagne, le Portugal, et la France ?

Je peux surtout parler du Portugal, car j’y ai vécu. Les graffeurs, homme ou femme, préfèrent souvent faire la fête au graffiti. Et j’adore ça. Ils ne sont pas obsédés par le graff, ils ont d’autres centres d’intérêts. Le graff c’est secondaire, ce n’est pas un moyen de prouver à quiconque que tu es plus important que lui, que tu vaux mieux.
Ça arrive que parfois, tu prévoies une soirée peinture avec tes potes, et au final, tu te retrouves dans un bar, à rigoler avec eux, tu passes un bon moment, et tout le monde a oublié d’aller peindre.
Au début où je trainais avec les OGA, je voulais toujours aller peindre. Mais elles, elles étaient dans autre chose. Elles kiffent la peinture, mais elles m’ont appris à être sur une autre longueur d’ondes, à ne pas être dans cette obsession. Du coup, avec elles, j’avais une vraie relation d’amitié.
Mais après, ce serait réducteur de penser que toutes les graffeuses portugaises ou espagnoles sont comme ça, parce-que j’ai aussi eu de vraies relations d’amitié avec des graffeuses françaises… Ce n’est qu’une question de personnalités après tout.

– Des mauvaises expériences ?

Non ! Tout est bon à prendre. Je n’ai jamais vraiment de mauvaises expériences. Enfin sur le moment, certaines choses ne sont pas marrantes à vivre, mais après coup, tu le vois comme une anecdote, une aventure à raconter, un souvenir.

– Peut-être une anecdote où ça a mal tourné ?

En Espagne, un plan de jour, je prends ma photo, je me retourne et là au bout des voies, j’aperçois deux flics et le vigile. Je me mets à courir, soit je courais en ligne droite, soit je me jetais dans des ronces plus grandes que moi. J’ai hésité, mais voyant les flics s’approcher, et comme je ne suis pas une pro du 100 m., je me suis jetée dans les ronces. J’ai cru que j’étais coincée, je n’arrivais pas à me dégager, et j’entendais les flics gueuler. Puis à force, je me suis trainée, j’ai tiré, j’ai forcé, et une fois sortie, je me suis échappé comme il faut. J’avais les jambes et bras en sang, mes habits déchiquetés. Je ne ressemblais plus à rien, mais ce n’était pas grave, j’étais heureuse de ne pas m’être faite attraper.

– Puisqu’on parle principalement d’une discipline illégale, le vol est-il une pratique que tu connais, ou pas ?

Oui. Je n’ai pas envie de me priver de peintures à cause du manque d’argent. Alors si je veux peindre, faut que je trouve des façons de le faire sans dépenser trop d’argent. Système D.

– As-tu d’autres occupations, intérêts, auxquels tu consacres du temps régulièrement ?

Je fais beaucoup de choses, et j’ai tendance à m’éparpiller, à m’intéresser à tout. J’aime le tatouage, mais au final, il n’est qu’une continuité du dessin. Je suis passionnée par les les plantes, les minéraux, les animaux, la nature en fait.
Mais le dessin reste mon fil conducteur depuis toujours. Je gribouille : ce sont surtout des petits dessins au crayon gris, aquarelles et encres. Parfois j’utilise de l’acrylique ou de l’huile, mais j’ai une préférence pour les lavis, les couleurs transparentes. Un temps j’ai dessiné sur ordi (avec photoshop, illustrator), je vectorisais des dessins et je les retravaillais sur écran. Mais ça perd une certaine authenticité, et je préfère de loin la méthode classique. Je dessine des petites choses, des images que j’ai dans la tête, des idées qui ont germé lors d’une balade ou d’une rencontre.
J’ai une préférence pour les illustrations de l’édition jeunesse : je suis fan de Quentin Blake, Mary Blair, Charley Harper… Je suis aussi passionnée par la peinture en général, quel que soit les périodes. J’adore les peintures pariétales, les gravures de Dürer, les illustrations de Gustave Doré, les natures mortes et les vanités… Je pourrais citer beaucoup d’autres choses mais je vais m’arrêter là.

– Tu peins toujours ? Si non, comment se passe ta vie sans le graffiti ?

Je reste active et passionnée, mais bien moins productive. Pour moi, les choses évoluent, quel qu’en soit le sens. J’ai moins le temps, je suis moins « à la page », puis de nouveaux centres d’intérêts viennent se rajouter… Pour autant, je ne sais pas si je pourrais complètement lâcher la peinture un jour…

– Expériences de garde à vue ?

Oui, plusieurs fois. Mais je n’ai pas envie de développer. Le seul truc que je peux dire c’est qu’à chaque fois, je me suis demandée ce que je foutais là. Comment est-ce possible, que pour avoir mis de la couleur sur un mur ou sur un autre support, on me traite comme une criminelle ou une merde, on me parle mal, on me menace? Même si c’est illégal – ce que je conçois – faut rester dans la réalité et se rendre compte du ridicule de la situation : se retrouver en cellule pendant plusieurs longues heures… C’est vraiment du grand n’importe quoi.
Il y a plus grave que des gens qui peignent sur des murs ou des trains.

– As-tu besoin de dessin sous les yeux quand tu peins ?

Je dessine beaucoup. Quant au fait d’avoir un dessin avec moi, ça dépend. Parfois, j’ai un bon sketch sous les yeux et je vais bien rentrer ma pièce. D’autres fois, je n’ai rien et je vais faire quelque chose qui me plait. Parfois, je me fiche de la peinture et c’est juste l’action qui est chouette. C’est complètement aléatoire. Mais en principe, je dessine pas mal, histoire d’être inspirée quand je me retrouve face au support.

– Ton Top 5 musical ?

« I’m a real wild child » / Iggy Pop
« Psycho Killer » / Talking Heads
« Sinnerman » / Nina Simone
« Welcome to the jungle » / Guns n’ Roses
« 365 jours » / Oxmo Puccino

– Une pièce que tu as vue et qui t’a marquée (en vrai ou en photo)

L’immeuble que les Os Gemeos ont peint à Lisbonne. J’ai vu ça quand ils l’ont fait, je suis restée scotchée.

– Tu suis l’actualité, l’évolution du graffiti dans ta ville, ou même en France ? De quelle manière ? Des graffeurs, graffeuses actuel(le)s que tu as retenus ?

Non, je suis complètement à la ramasse. En fait je m’en fiche.
Je ne pourrais même pas dire qui est le plus présent dans ma ville, ou à Paris, Marseille ou ailleurs…

Plus de photos par Candi

graffeuse-Candi-Bule-2012-Algarve Algarve / 2012

graffeuse-Candi-Bule-2014-Alentejo Alentejo / 2014

Interview # TYLES

Pour cette 3ème interview, place à la jeunesse : Tyles a déjà parcouru son petit bout de chemin et compte bien le prolonger…

– nom : TYLES
– dates d’activité : depuis 2006
– âge : 23
– région : Nord

– Quand et Comment as-tu découvert le graffiti ?

Un peu bêtement en fait. J’avais une quinzaine d’années et mon frère gravait ses CD. Et donc pour inscrire le nom de l’artiste il faisait des petits lettrages. Mais pour lui ça n’a jamais été plus loin : et moi, en petite soeur qu’il se doit, je voulais faire comme lui et j’essayais de reproduire ses dessins. Et c’est parti comme ça !
Plus tard, je voyais les graffs dans ma ville. Au début tu comprends pas trop, tu te demandes « mais merde comment ils font ça, et les toits, comment ils vont là-haut ? » Du coup ça m’a plu tout de suite, un côté challenge et un côté mystérieux.

– Quand as-tu commencé ? Comment, pourquoi le passage à l’action, dans quel état d’esprit ?

J’ai commencé en 2006-2007 pour les murs. J’ai sketché quelques temps avant, je ne sais plus quand exactement, disons quelques mois avant de commencer à peindre sur murs.
Je me disais que si j’arrivais sur un mur et que je lâchais une pièce pas travaillée, je n’irais pas loin.
Je regardais pas mal les magazines à l’époque, j’allais m’installer à la Fnac pour regarder les livres sur le graff, voir un peu ce qui se passait ailleurs. Et puis j’ai rencontré quelques personnes de ma ville et c’était parti. Il y avait une bonne motivation de la part de chacun à l’époque, c’était sympa.
Je me suis mise au vandal peu de temps après : et là tu deviens vite accro. Pendant une période, je ne pensais qu’à ça, je ne côtoyais que des graffeurs et les autres ne m’intéressaient pas. Ça peut vite te couper du monde extérieur si tu n’y fais pas gaffe. Depuis ça a changé bien sûr, j’essaie d’évoluer dans les deux aspects du graffiti et ça me fait toujours plaisir de rencontrer et discuter avec d’autres acteurs du mouvement. Je pense qu’on apprend un peu de chacun, les bonnes comme les mauvaises rencontres. Après c’est difficile d’arrêter le vandal, une fois que tu as goûté cette sensation, tu as du mal à t’en passer. Il y en a qui n’apprécient pas du tout et je peux le concevoir, mais pour ma part je ne me vois pas qu’en terrain.

graffeuse-Tyles-Paris - 2007 Paris / 2007

– Que cherchais-tu à faire dans ce mode d’expression ? Tu le vois toujours de la même manière ?

La première chose qui m’a intéressée dans ce milieu c’est avant tout le fait que ça soit hors norme, assez fermé quand on n’est pas impliqué dedans et surtout rempli de mystère quand tu commences. Et j’aimais cette impression de me sentir un peu à part et à l’écart, alors que tout le monde s’en tape de ce que tu fais. La plupart des gens n’y trouve aucun intérêt, même si ça a tendance à changer avec l’entrée du graffiti dans les galeries par exemple. Pour ma part, je faisais ça par plaisir, ça ne me dérangeait pas de me taper deux heures de transport à galérer pour aller faire ma peinture en solo dans mon coin.
C’est peut-être une question d’ego aussi. Sûrement même. Mais en vandal par exemple, j’aimais repasser là où j’avais posé, voir ma trace, ou alors que quelqu’un me parle d’une pièce qu’il a vu. Tout le monde a un peu de ça en lui je pense. Alors qu’au final, ça reste de la peinture sur un mur, ça n’a rien d’extraordinaire. Au début, ma motivation, c’était la découverte. Tu découvres de nouveaux spots. Tu rencontres des graffeurs dont tu regardais les pièces en commençant. Tu es parfois déçue
d’ailleurs, un mec qui va te sortir des tueries et qui se révèle être un gros connard, ça m’est déjà arrivé. Et là quand tu es toute jeune tu te dis « merde quel enfoiré ».
Maintenant, il y a encore beaucoup de cette envie de découverte, car j’essaye de voyager un peu, mais au fur et à mesure tu connais un peu mieux le milieu, les bonnes et mauvaises choses qui en font partie. Il y a de tout et c’est impossible de généraliser.

– Ton 1er tag / graff, tu t’en souviens ?

Ah ça oui, une vraie croûte comme il se doit. J’avais essayé de faire compliqué, rajouter des phases partout. Au final, ça ne ressemblait à rien, c’était dégueulasse.

– Ton champ d’action géographique ?

Les premières années, dans la métropole lilloise, ensuite j’ai vécu dans d’autres régions : Vosges, Guyane, et maintenant Réunion. Pour les supports ça va dépendre de la période et des gens avec qui je peins, au feeling. Je suis parfois passée en coup de vent dans d’autres régions, par le biais de connaissances de connaissances qui organisaient des fresques ou autres. C’est un bon côté du graffiti, tu peux te retrouver à peindre avec des gars qui habitent à des centaines de kilomètres et
dont tu ne connaissais pas l’existence la veille.

– Guyane, Réunion… Tu aimes le soleil et la mer ? Comment ça se passe le graffiti par là bas ?

Mais non, j’y vais pour raisons professionnelles, voyons ! Bon oui petit faible pour le soleil. Ce que j’ai retenu de la Guyane, c’est « doucement la matin et pas trop vite l’après-midi », ça me plaisait bien ! C’est vraiment une autre ambiance et un autre mode de vie. Je suis originaire du Nord, donc j’arrive là, c’est le paradis pour moi. J’ai l’impression d’être en vacances quand je sors du taf. Sinon niveau graffiti en Guyane, il n’y en a pas énormément, bien que des associations essayent de faire bouger les choses. D’ailleurs le vandal n’a pas la même connotation qu’en métropole. Ce n’est pas développé, enfin je dis ça c’était il y a quelques années, maintenant les choses ont peut-être changé. Les gens n’avaient pas ce regard négatif que ceux de métropole peuvent souvent avoir sur ce milieu. Tu vas demander aux locaux pour peindre leur mur, au final ça ne va pas les déranger. Ou alors tu vas peindre dans un endroit visible en journée, ça passe dans la plupart des cas. Pour ma part, je n’en ai presque pas fait là-bas, pas mal de taf, donc pendant mes week-ends j’étais plus dans la découverte de la région et des habitants. Je garde un bon souvenir d’une peinture là-bas. C’était près d’un petit coin de pêcheurs, en début de soirée, là où il y a le marché de Cayenne la journée. Des vieux avaient installé un banc devant nous et s’étaient calés là à nous regarder peindre. Et un SDF nous a amené un poste et à manger, alors qu’on n’avait rien demandé. Un très bon souvenir ! Sinon je pense que c’est amené à se développer avec le passage des gens de métropole et le taf des associations pour faire connaître le hip hop aux jeunes, mais ça prendra sûrement quelques années.
Quant à la Réunion, j’y suis depuis un mois, c’est un peu court pour se faire un avis. Mais la scène ici est vraiment sympa et diversifiée, légal comme vandal. Et on croise pas mal de tags ou pièces en ville. Tu vas trouver des spots avec des paysages magnifiques. Il y a aussi des endroits à préserver et que la peinture viendrait gâcher. Je pense que le prix des bombes vient freiner l’élan de certains aussi. Il y a quelques shops mais le matériel est importé du continent, et donc beaucoup plus cher à la revente. Il faut pouvoir se débrouiller autrement. Dans tous les cas, ce n’est pas comparable à la métropole. Le cadre est sympa et tranquille pour peindre. Ce sont des petits bouts de paradis et ça serait dommage de saturer les paysages avec trop de peinture (je parle du vandal), sans pour autant ne rien faire. Et puis pas de trains ici : ça enlève
aussi un côté intéressant du graffiti.

– Tu peins plutôt seule ou accompagnée ?

Pour ce qui est des terrains, ça peut être les deux. J’aime bien prendre mon temps quand j’en fais un, parfois je peux mettre deux jours. Donc voilà, il ne faut pas me presser ! Et puis j’aime bien faire grand, la faute à Hipy ça. Quand je commençais, il m’a dit : « si tu veux de l’impact, fais grand ! » Mais sinon j’aime tout autant peindre entre potes, ou parfois sur des événements aussi, même si c’est beaucoup plus rare.
Après pour ce qui est du vandal, je préfère à deux. Pour moi c’est l’idéal. Et surtout avec une personne en qui tu as confiance. Ça m’est arrivé de me retrouver sur des plans avec des gars que je ne connaissais pas forcément, des gens qui ramenaient d’autres potes à eux, et qui au final foutent le bordel sur le spot ou galèrent. Pour ça, les connexions vandal c’est pas trop mon truc. De temps en temps pourquoi pas, mais ça s’arrête là. Et puis de toute façon, les connexions se font instinctivement. Des gars qui en ont rien à foutre, qui vont te faire un bordel sur le spot se rapprocheront. Tout comme des gars qui sont plus sur leur garde, calculent tout et préparent bien leurs plans. Pour ma part, ça sera plus la deuxième option.

– Comment as-tu choisi ton/tes nom(s) ?

J’étais encore au lycée, c’était pendant un cours d’anglais où je cherchais un nom. J’essayais des lettres, celles qui me plaisaient. Et là, j’entends le prof dire « pitiless », qui signifie « sans pitié ». Ça m’a bien plu, mais c’était un peu long. Du coup c’est devenu Tiless, puis Tiles et maintenant Tyles…
J’ai voulu changer à un moment, les gens de ma ville savaient pour la plupart que j’étais une fille et on me disait souvent « pour une meuf…» ou « comparé à d’autres mecs…», et ça tu en as à longueur de temps quand tu es une femme dans un milieu d’hommes. Ça ne s’applique pas qu’au graffiti, je travaille également dans un secteur masculin. Au bout d’un moment, ça saoule…J’ai donc voulu repartir à zéro avec un blaze qui ne montrait aucune féminité et faire mes peintures dans mon coin. J’ai d’ailleurs fait une ou deux peintures sous le nom de « Bregs ». Mais j’étais trop attachée à mon premier blaze que j’ai finalement gardé.

graffeuse-Tyles-Le Quesnoy - 2012 Le Quesnoy / 2012

– As-tu gardé les photos de tes premiers graffs ?

Bien sûr ! C’est ma petite histoire que je retrouve à travers les photos. Ça me fait marrer de les regarder de temps en temps. Je me dis, mais quelles croûtes je faisais. Et puis c’est toujours sympa de voir l’évolution, de se rappeler des anecdotes de telle ou telle peinture, et les rencontres aussi. C’était l’époque de la grande découverte du début, ta ville, ses coins perdus et méconnus de la plupart des gens, au fur et à mesure tu rencontres tel ou tel graffeur qui te mettait une claque avec ses pièces. Donc du coup, oui j’essaye de conserver une trace de mes premières peintures et même de toutes les autres d’ailleurs, je trouve ça important, même si ça peut rendre nostalgique.

– Ton domaine de prédilection, les supports que tu préfères?

Petite préférence pour les voyageurs. J’adore l’ambiance des dépôts, le genre mission militaire pour aller peindre sa pièce, pendant que tout le monde dort et s’en tape complètement. Tu es dans ton monde et tu calcules pas grand chose à part ce que tu fais sur le coup et les différents bruits que tu entends autour de toi. Tu te fais des films pour pas grand chose. Et puis le must, quand tu vois ton train arriver en gare, ça c’est ta récompense ! Il y en a un surtout où je n’avais pas réussi à prendre à temps ma photo, et c’est vraiment celui que je préférais et qui me tenais à coeur, grosse frustration. Et pas longtemps après, je discutais tranquillement avec une amie
en gare, et là je le vois arriver. Un de mes meilleurs souvenirs.
J’aime aussi un terrain tranquille, en solo ou entre potes. Je trouve ça important de mélanger légal et vandal. Ça me paraît logique d’évoluer dans les deux : l’un complète l’autre et vice versa. Tu gagneras en précision et travail de la lettre dans un terrain, et à l’inverse en vandal, tu devras bien prévoir tes traits, tes couleurs… Pas le droit à l’erreur ou à l’hésitation.
Et autre chose que j’apprécie, le bâché du dimanche. Mi vandal, mi légal. Depuis quelques temps, j’aime bien prendre une phrase ou expression qui me plaît et la retaper dessus. Donc voilà , en gros un peu de tout. Quoique, rue et autoroute ça n’a jamais été mon truc. J’en ai jamais trop fait, c’est comme ça…

– Quel genre de phrases écris-tu sur frets ?

C’est varié, ça peut venir de chansons ou de conversations que j’entends et qui me plaisent bien. Mes premières venaient de la Scred Connexion, un « jamais dans la tendance » et « toujours dans la bonne direction ». Je les trouvais sympas à faire sur un support roulant pour le jeu de mots. Ou d’autres comme « marche à l’ombre » ou « les terribles mangeuses d’hommes », le prochain que j’aimerais faire. C’est une phrase que j’ai entendue cette semaine, dans un reportage sur les amazones. Affaire à suivre…

graffeuse-Tyles-Nord - 2010 Nord / 2010

graffeuse-Tyles-Nord - 2012 (2) Nord / 2012

graffeuse-Tyles-Nord - 2014 Nord / 2014

– Dès que tu as commencé à graffer, ou plus tard, t’es-tu intéressée à l’histoire du graffiti ?

Je t’avoue que je ne m’y suis pas du tout intéressée au début. Je faisais mon petit truc tranquillement dans mon coin. C’est seulement après que j’ai commencé à regarder un peu d’où ça venait, qui avait initié ce mouvement, etc… Mais je préfère de loin m’intéresser à ce qui se passe dans ma ville ou région. Et puis la mémoire et moi, ça fait cinquante.

– Es-tu une carriériste du graffiti ? ou plutôt en temps partiel ?

Carriériste est un bien grand mot. Mon activité va surtout dépendre des périodes. La vie professionnelle peut vite prendre le dessus sur le graffiti, j’essaye maintenant de concilier les deux, mais tu ne peux pas toujours. Je ne comprenais pas vraiment ça quand je commençais, je voyais pas mal de gars arrêter le vandal au bout de quelques années, je me disais, eux ils ne sont pas passionnés, moi je continuerai toute ma vie ! Et maintenant je comprends mieux pourquoi. C’est ce qui m’est arrivé ces deux dernières années, beaucoup de travail et forcément, tu n’arrives pas à tout concilier.
Il doit y en avoir pas mal qui se disent au bout d’un moment, allez c’est fini toutes ces conneries, j’ai ma famille, mon boulot, pas le temps pour ça. Mais pour autant je n’en suis heureusement pas à ce stade, et je ne le veux surtout pas non plus. Ça fait partie de mon quotidien et j’en suis très heureuse. Donc pour répondre à ta question, je dirais un peu des deux ?

– Avec qui as-tu bougé dans ta carrière ? Les rencontres qui t’ont marquée…

J’ai d’abord commencé avec des gars de ma ville. Tout le monde se connaissait, c’était une petite ville, et on était une dizaine à commencer en même temps. A l’époque, c’était vraiment une bonne ambiance, on commençait, on faisait notre petit bout de chemin. Après je suis montée sur Lille et là, j’ai rencontré mon acolyte de pas mal de temps, Talis. On bougeait pas mal ensemble et on s’en foutait du reste…C’était le bon vieux temps ! Ça y est je parle comme une vieille.
Ensuite pas mal de rencontres de terrains, des bonnes comme des passagères. Petite pensée pour Snape et Teks, avec qui j’ai bougé à quelques occasions sur Paris et qui ont fait partie de mes bonnes rencontres, comme Skoer, Hipy, Komor, ou Woozy récemment. J’ai eu quelques crews au début, mais je me suis vite rendue compte que les gens allaient et venaient. Que souvent c’était uniquement pour le graffiti, juste pour peindre, et qu’en dehors chacun faisait sa vie. Donc au final, je préfère ne pas avoir de crew plutôt que d’en poser un juste comme ça, pour dire que j’en ai un : c’est des personnes que tu représentes en tapant ton crew, donc si tu n’es pas sûre d’elles, je ne vois pas l’intérêt.

– Comment définis-tu ton style ? Qui/quoi t’inspire, t’a inspiré ?

Oula, question difficile… Je ne sais pas vraiment quoi te répondre. Si tu peux m’aider je suis preneuse. On va dire qu’en vandal j’essaye de faire simple et efficace, c’est ce que l’on m’a appris quand j’ai commencé. En terrain c’est différent, je sketche avant d’y aller. Je pars du principe que c’est un terrain donc autant prendre son temps et essayer de faire ça bien.
Pour l’inspiration, j’essayais de faire mes propres lettres mais bon on n’a rien inventé. J’aimais beaucoup le taf de gars comme Esper, Cantwo, ou Yak pour ma région. Ce sont surtout des graffeurs qui travaillent la lettre, et pour autant ça reste bien lisible. Et c’est ça qui me plaisait. Tout ce qui est 3D, d’accord c’est technique, mais je ne me vois pas faire ça. J’aime bien quand on voit directement la lettre. Ça va beaucoup plus m’interpeller qu’une 3D.
Pour le vandal, il y en a pas mal qui me plaisent, ça va des pièces des MV’S que je voyais dans ma ville en commençant, aux trains italiens de Poison dont certains que j’ai pu voir en vrai sur les métros défoncés de Rome, en passant par les chromes de Bando ou Woody. J’en oublie pour la plupart. Donc pour résumer, on va dire tout ce qui est simple, lisible et efficace.

graffeuse-Tyles-Epinal - 2011 Epinal / 2011

graffeuse-Tyles-La Réunion - 2014 La Réunion / 2014

– As-tu des thèmes récurrents, des associations de couleurs préférées ?

Des thèmes ? Non, pas du tout ! Par contre couleurs oui, souvent dans les gris, violets… J’essaye de changer ça depuis quelques temps, surtout depuis que je me suis rendue compte qu’il y avait des couleurs que je n’avais jamais utilisé. Et tu tournes en rond au bout d’un moment, c’est bien de se recycler un peu.

– Comment vois-tu le graffiti dans son essence même ? (l’acte de graffer/taguer, le style, le graffiti en tant qu’art ou pas, dans la société….)

Ça reste simple, pour moi chacun son histoire, chacun sa raison de faire du graffiti. Pareil pour le style, tant que la personne prend son pied en le faisant, tant mieux pour elle, ça ne me regarde pas. Pour ce qui est de la question art ou pas, de l’entrée du graffiti dans les galeries, j’en ai royalementrien à faire. Les gars font ce qu’ils veulent.En gros, on va dire que je n’ai pas vraiment d’avis sur ça. Ce débat ne m’intéresse absolument pas.

– Le graff ou tag dont tu es la plus fière ?

C’était un « for the graffiti lover’s » que j’ai peint sur un train belge. C’est ma petite fierté, je ne sais pas vraiment pourquoi, surtout qu’il n’a rien de spécial. J’en ai refait deux ou trois d’ailleurs depuis.

graffeuse-Tyles-Belgique - 2009 Belgique / 2009

graffeuse-Tyles-Nord - 2009 Nord / 2009

– Certaines graffeuses t’intéressent ? (tous pays, supports confondus)

Au début je regardais pas mal le travail des graffeuses. Après tout, on est une communauté à l’intérieur d’un communauté. Je me disais si d’autres y arrivent, pourquoi pas moi ? Quand je commençais, c’était des noms comme Lady K., Kensa, Bule, Redly, Jolee, et les deux premières que tu as interviewées aussi, Malice et Else. Je prends ça comme une récompense de figurer dans la même liste d’interviews. Il y a quelques autres noms qui me viennent à l’esprit (du neuf et de l’ancien), Sax, Wüna, Kisa,
Rasta, Camo, Hope, Forma, et puis les Funky Girls aussi, d’Italie il me semble. Elles m’avaient mis une bonne claque avec leurs trains. Sinon, tout ce qui est fleurs et papillons, ça ne m’intéresse pas : c’est un cliché mais il y en a pas mal comme ça. De toute façon, celles qui le font par effet de mode ou parce que le copain graffe, ça se remarque sur le long terme. Après, chacune le fait à sa façon. A la finale, ça peut être un avantage comme un inconvénient : on
peut te critiquer et te juger incapable de faire telle ou telle chose, mais d’un autre côté tu auras une notoriété peut être plus rapide. La preuve, je ne pense pas avoir fait quoi que ce soit de spécial, je fais mes pièces de mon côté, et le fait d’être une fille t’a amené vers moi, à me poser ces
questions.
Quand tu regardes les forums qui parlent de graffeuses, ça dérape vite. On ne s’intéresse plus aux pièces mais à la fille en elle-même, je trouve ça un peu dommage. Mais sinon, il y en a sûrement des dizaines qui cartonnent ailleurs et dont je ne connais pas l’existence, celles dont on ignore qu’elles sont des filles mais aussi celles qui ne sont pas médiatisées. Donc celles que je suis ou que j’ai pu suivre viennent surtout de France, que j’ai pu découvrir toute jeune ou dont on m’a parlé au fil des rencontres. Et puis je m’intéresse surtout à celles qui font du lettrage. Tout ce qui est perso c’est sympa à regarder, mais c’est plus le travail de la lettre qui m’attire.

– Des regrets ? Des mauvaises expériences ?

Des regrets, non… J’ai pour principe de me dire que chaque expérience t’apporte forcément quelque chose dans ta vie et renforcera ton caractère.
Des mauvaises expériences… Quelques plans foireux, mais au final je m’en suis toujours sortie. Je me rappelle une fois dans le métro parisien, on était restés un petit moment à l’intérieur du métro sans rien faire, juste squatter, alors qu’on voulait le peindre après. Mon pote me donnait des conseils pour taguer, du coup j’essayais des lettres sur les vitres à la griffe. Et là, le maître-chien est arrivé et nous a coursés jusqu’à la sortie. On arrive devant les grandes grilles en fer du métro, impossible de sortir. Et devant il y avait quelques SDF, ils nous ont vus en galère et ils soulevé la grille à plusieurs. On est sortis de justesse, avec le maître-chien qui nous regardait à travers la grille.J’ai trouvé que c’était une belle anecdote, comme quoi on peut avoir de l’aide qui nous tombe dessus quand on s’y attend le moins.

– Puisqu’on parle principalement d’une discipline illégale, le vol est-il une pratique que tu connais, ou pas ?

Non ce n’est pas dans mes habitudes. Mais pour autant je me suis toujours débrouillée par moi-même pour me procurer ce qu’il me fallait.

– Expériences de garde à vue ?

Une seule, je touche du bois. Pour du tag, un peu bête mais c’est le jeu. Tant qu’il n’y a pas de conséquence, ça ne me dérange pas on va dire. Sinon, je m’en suis toujours sortie sans problème.

– Tu dessines beaucoup ? as-tu besoin de dessin sous les yeux quand tu peins ?

Beaucoup au début pour apprendre à travailler la lettre. Maintenant ça va dépendre des périodes, même si honnêtement ça se fait de plus en plus rare. Mais il va falloir que je m’y remette, ne serait-ce que pour évoluer, je trouve ça important. Je le vois quand je ne dessine pas, ça stagne. Et puis je n’aime pas me retrouver avec des incohérences dans mes lettres, et pour ça il n’y a pas de miracle, travail, travail et travail !

– Ton Top 5 musical ?

Allez Top 6 même. Pas forcément des musiques que j’écoute encore, mais celles qui m’ont marquées et qui font toujours plaisir à réentendre de temps en temps.

« Second souffle » / Scylla
« Du mal à s’confier » / Scred Connexion
« Mystère et suspense » / Fonky Family
« Bouge la tête » / IAM
« Malgré les épreuves » / Kery James
« Un angelo non è » / Eros Ramazzotti

– Mais…que fait Eros Ramazzotti dans tout ça ?

Et pourquoi pas , un peu de douceur dans ce monde brutes ! Une partie de ma famille est d’origine italienne, donc ça fait partie de ce que j’écoutais, et encore maintenant.

– Tu suis l’actualité, l’évolution du graffiti dans ta ville, ou même en France ? De quelle manière ? Des graffeurs, graffeuses actuel(le)s que tu as retenus ?

Je suis un peu les personnes que j’apprécie par Internet, je peux passer pas mal de temps parfois à regarder tel ou tel site. Mais sinon je préfère m’intéresser à l’actualité de ma ville. Voir qui a fait quoi et où. J’aime bien me retrouver dans de nouvelles régions et découvrir les personnes du mouvement au fur et à mesure. Avec Internet il faut avouer que c’est beaucoup plus facile, et ça enlève pas mal de charme d’ailleurs.

graffeuse-Tyles-Dunkerque - 2014 Dunkerque / 2014

Interview # ELSE

Else est la première avec Malice a avoir accepté de répondre à mes questions. Discrète mais non moins active, sa perception du graffiti garde les pieds sur terre…

– nom : Else
– crew : FTA
– âge : 31
– ville : Val-de-Marne

– Quand et Comment as-tu découvert le graffiti ?

J’ai découvert le graffiti assez tôt, à l’adolescence, parce que forcément quand tu grandis en banlieue, c’est la période où le truc que tu kiffes faire c’est de sortir, d’aller à Paris, même sans avoir quelque chose à y faire ni un franc à y dépenser… et du coup tu découvres tout d’abord le RER, à l’époque, de magnifiques petits gris nous transportaient jusqu’à la capitale et très rapidement ton attention se porte sur les murs graffés, les sièges taggués, les rayures… Je ne saurais dire quand j’ai commencé à m’y intéresser mais je me souviens précisément que ça soulevait en moi un truc assez étrange. Pourquoi ces gens font-ils ça ? Qu’est ce que peuvent bien vouloir dire tous ces noms étranges… Ce qui m’a plu surtout c’était la part de mystère, ça me plaisait aussi que la plupart des gens dans les wagons du RER semblait s’en foutre, ils regardaient à peine par la fenêtre, ou alors, pas pour la lecture qu’offrent les murs. Au début, je m’y suis intéressée surtout pour comprendre ce truc qui ne semble pas captiver grand monde.

– Quand as-tu commencé ? Comment, pourquoi le passage à l’action ? Dans quel état d’esprit ?

J’ai commencé en 2003, en me disant pourquoi pas moi. Je voulais juste saisir ce moyen d’expression, j’avais pas encore intégré le fait que ça pouvait finir par devenir un truc addictif, presque comme une compétition, un sport collectif.

– Que cherchais-tu à faire dans ce mode d’expression ? Tu le vois toujours de la même manière ?

Je ne cherchais pas grand chose à vrai dire. C’était assez inexplicable, j’avais envie de le faire. Au début, j’imagine comme tout le monde, ce qui me plaisait c’était de m’approprier les murs de ma ville, et puis après on étend son champ d’action.
Ma vision du graff a évolué avec les années. J’y ai vu un lieu de socialisation assez spécial, avec des personnes très différentes les unes des autres, et qui pour diverses raisons se sont retrouvées à plus aimer peindre des murs qu’aller en boite. J’ai vu aussi le côté compétition du graff, avec ses bons côtés, la motivation qu’elle te donne et l’envie de te dépasser, mais aussi ses mauvais côtés, te rendant parfois inconscient, juste pour l’exploit. Et il y a aussi un côté particulièrement égocentrique dans le graffiti, qui est plus ou moins développé selon les personnes, mais qui est en fait un vrai poison. On ne fait que peindre des surfaces, on n’a pas inventé le fil à couper le beurre ni sauvé des vies, il faut savoir raison garder.

– La 1ère bombe ou le 1er marqueur que tu as tenu en main, ton 1er tag / graff, tu t’en souviens ? Dans quelle ville et sur quel support ?

Bien sûr. La première fois était un graff vandal dans une rue, réalisé par quelqu’un qui n’y connaissait rien. J’étais allée chez Génération 400ml, et j’avais acheté une noire et blanche, de la True Colors. Le projet c’était de faire un chrome, mais ce n’est qu’une fois le graff réalisé que je me suis rendue compte que ça ne ressemblait pas du tout à la couleur des chromes et que c’était vraiment une grosse galère de remplir un graff en blanc, d’autant plus quand tu t’attaques à un mur en crépis dégueu. J’y avais été seule, dans ma ville, une nuit. A l’époque, je ne connaissais personne dans le graff, mais j’avais envie d’essayer moi aussi et je ne pensais que vraiment, personne n’aurait envie de m’accompagner pour faire un truc qui paraît si stupide pour pas mal de gens. Je n’ai même pas de photo de ce graff, qui a été buffé avant que je n’y retourne. Assez décevant comme première expérience et du mieux que je m’en souvienne, il était assez moche.
Avant de réutiliser une spray, j’ai mis quelques temps. J’ai sketché et j’ai rencontré des graffeurs.

graffeuse-Else Choisy le Roi / 2005

graffeuse-Else-Jolee-Chatillon Montrouge / 2006

– Comment as-tu choisi ton / tes nom(s) ?

Mon tout premier nom, j’avais juste inversé les lettres de mon prénom, mais rapidement, j’ai conclu qu’entre la lettre A et moi, il n’y avait aucun atome crochu graphiquement parlant. J’ai donc légèrement changé ce nom pour « Else » qui me plaisait aussi bien dans l’enchainement des lettres que dans la signification. Ensuite, j’ai utilisé d’autres noms en fonction des supports, en choisissant toujours un compromis entre les lettres et le sens.

– As-tu gardé les photos de tes 1ers graffs ?

J’en ai quelques unes oui. C’est un peu comme les photos de classe, ça vaut le coup de les garder de temps en temps.

– Ton domaine de prédilection, les supports que tu préfères…

La rue est sûrement le lieu que je préfère, pour son côté imprévisible et la multitude des supports qu’elle offre. En ville, les tags et les graffs évoluent avec l’aménagement urbain, ils apparaissent, disparaissent au gré des travaux et des nouvelles constructions. Ils vivent ainsi au rythme de la ville. 
Les autoroutes ont aussi leur charme, mais plus pour l’adrénaline qu’ils apportent, tu te lances, tu peins, tu ne te préoccupes ni des klaxons ni de rien, le but est seulement de finir ta pièce.
Peindre en dépôt offre également une certaine adrénaline et il y a un vrai charme à s’y balader, à guetter, le temps se suspend, l’atmosphère y est unique et le support reste l’un des plus agréables à peindre et esthétiquement parlant, c’est pour moi le plus noble. Voir un train graffé circuler c’est un vrai bonheur, d’autant plus à certaines périodes où la politique de la SNCF et la RATP était de ne pas laisser en circulation les trains peints, les panels en circulation étaient une denrée rare, donc d’autant plus appréciés. Le jeu de piste pour retrouver ton train ou ton métro pour avoir une photo en station fait aussi partie du charme de ce genre de mission.
Et enfin, pour s’améliorer (ou tenter de s’améliorer) et passer du bon temps, il est toujours agréable de se faire un terrain-BBQ, c’est le genre de journée que je préfère plus pour l’ambiance que pour passer des heures sur une pièce.

graffeuse-Else-Paris- Paris / 2006

– Ton champ d’action géographique ?

Bien sûr je préfère peindre des endroits qui me sont familiers et où je suis susceptible de repasser, mais j’ai aimé aussi lié voyages et peinture. En ça, la peinture est un bon moyen de socialisation, elle te permet d’entrer en contact avec des gens du monde entier, qui te font découvrir leur ville sous un angle différent de celui du touriste lambda.

– Dès que tu as commencé à graffer, ou plus tard, t’es-tu intéressée à l’histoire du graffiti ?

Je m’y suis intéressée avant de peindre, quand j’ai commencé à avoir de l’attirance pour le graff, j’ai cherché des infos sur ses origines, d’autant plus que ça m’intriguait vraiment. J’ai pu trouver quelques réponses à mes question notamment dans les bouquins « Spray can art » d’Henry Chalfant and James Prijoff , « Subway art » de Martha Cooper et Henry Chalfant, également un bouquin intitulé « RIP NYC Bombages in memoriam » consacré aux fresques réalisées en hommage aux jeunes décédés à NYC. Sur internet, les premiers sites sur lesquels j’ai passé du temps étaient 12ozprophet côté américain et aero côté français. Mais la plus grosse partie de mon apprentissage a été faite en sillonnant les rues et terrains et en rencontrant des graffeurs.

– Es-tu une carriériste du graffiti ? ou plutôt en temps partiel ?

Une intermittente en pré-retraite.

– Avec qui as-tu bougé dans ta carrière ? Les rencontres qui t’ont marquée…

Ma première rencontre a été avec Sory, on a vraiment bien accroché et une vraie amitié est née. C’est lui qui m’a d’ailleurs présenté Jador avec qui j’ai bougé durant plusieurs années. Puis le cercle s’est étendu avec Bank, Pyon, Wake, Soyal, Fluor, Nova, Skone… Plus que des fréquentations graffiti, on était une vraie bande de potes. Je pense que c’est à cette période que j’ai vraiment le plus kiffé le graff. Tu passes du temps avec tes potes, tu te fais des bonnes bouffes, des road trips, des soirées, et quand vient la nuit tu peins, quand vient l’été ça part en terrains, le tout dans une bonne ambiance et une totale confiance. Y’avait dans ces relations là une réelle amitié, qui n’était pas qu’un truc lié au graff, comme j’ai pu connaître par la suite, c’était vrai, on n’était pas potes pour une clé RATP ou un plan Whole car.
J’ai également connu pas mal de FTA/AOB, 1D6, Aris, Epic, Soda, Soir2, Cokar, etc etc… qui vivent eux aussi le graffiti avant tout comme une histoire d’amitié.
A une époque, j’ai pas mal bougé avec Jolee, c’était agréable parce qu’on était deux meufs insoupçonnables et ça nous a permis de faire pas mal de street, ça s’est toujours bien passé. J’ai également apprécié peindre avec Iups, Malys, Candy, Kita, Redly…Comme tout le monde, le graffiti m’a aussi amenée à faire de mauvaises rencontres, mais autant ne pas perdre de temps à en parler.

– Comment définis-tu ton style ? Qui/quoi t’inspire, t’a inspirée ?

Un style typo « Arial » peut être. Les gens avec qui j’ai bougé m’ont inspiré, les graffs présents dans les villes que je fréquentais aussi. Je m’inspire aussi du travail de certains graphistes notamment ceux qui se focalisent sur les typos. Dans ce domaine je trouve que le travail de personnes comme Philippe Apeloig est très intéressant. Les anciennes affiches m’inspirent aussi, notamment les affiches soviétiques, ainsi que les anciennes affiches de propagandes qui étaient dessinées et où le travail sur les typos est finalement très moderne…

– As-tu des thèmes récurrents, des associations de couleurs préférées ?

J’ai toujours été la championne de l’association de couleurs qui n’ont rien à faire ensemble, ce qui a créé rapidement entre le chrome et moi une véritable passion. Ensuite, j’ai souvent utilisé les mêmes gammes de couleurs, plutôt des bleu, violet, fuchsia, vert, jaune… Pas de thème récurent et encore moins de féminisation de mes peintures.

graffeuse-Else-Avoir Barcelone / 2007

graffeuse-Else-Candi-Kita-Dope Aix en Provence / 2008

graffeuse-else-Rennes Rennes / 2009

– Comment vois-tu le graffiti dans son essence même ? (l’acte de graffer/taguer, le style, le graffiti en tant qu’art ou pas, dans la société….)

Je vois le graffiti avant tout comme un moyen d’expression, pas comme de l’art dans un tout premier temps. Car le graff reflète avant tout ce que l’on a à dire et la façon dont on a envie d’exister. Un graff n’est pas forcément beau, et de tout façon la beauté est une notion subjective, mais il y a des personnes qui même après 10 ans de graff font des trucs dégueus, bâclés et s’en foutent, pire encore, ils kiffent. C’est pour cela que j’y vois surtout un moyen d’expression et comme n’importe quelle expression, qu’elle soit orale, musicale ou visuelle, il a des trucs qui nous plaisent et d’autres non, des trucs qui sont qualifiés de « bruits » et d’autre d’« art ».

En ce qui concerne la perception du graffiti par la société et son entrée dans le monde de l’art depuis un peu moins d’une décennie, j’ai un avis nuancé. A la base, un graff est un truc que tu fais où tu veux, quand tu veux, tu choisis la taille du truc, les couleurs, tu choisis de le finir ou non, parfois ce n’est d’ailleurs pas toi qui choisis si tu auras le temps de le finir… bref, c’est un truc purement égoïste, tu fais le truc que tu veux, où tu veux. A partir du moment où le graff s’invite dans les galeries ou que l’on te passe une commande précise, est-ce encore du graff ? Ou est-ce une œuvre d’art réalisée à la bombe ? Un graff sur une toile, c’est juste un truc qui va à l’inverse de la notion de liberté qu’offre le graff, tu dois respecter un cadre, alors que d’habitude il n’y a justement aucun cadre à respecter.
De mon point de vue, le graffiti est un art, mais plutôt un art de vivre, un art de penser. Je suis peu être un peu intégriste dans ma vision du graff, mais pour moi quelqu’un qui n’a jamais rentré un vandale, qui s’est fait connaître par facebook et qui se fait ensuite inviter dans tous les festivals n’est pas un graffeur, c’est un artiste de rue, un peintre urbain, que sais-je, mais tu ne peux pas brûler les étapes, bien que ces personnes soient souvent talentueuses, ce n’est pas du graff. Si t’as commencé dans les rues, que tu t’y ais fait un nom et qu’ensuite tu participes à des festivals, des expos et que tu peux vivre de ton art, t’as une toute autre légitimé.

– Le graff ou tag dont tu es la plus fière ?


Un métro pour ma mère qui l’avait particulièrement émue.

– Certaines graffeuses t’intéressent ?

Je m’intéresse d’abord aux personnes que je connais, qu’ils soient homme ou femme. Ensuite parmi les graffeuses que je ne connais pas qui m’intéressent, il y a RosyOne dont j’apprécie le style OldSchool, Faith47 mais qui est plutôt une street artiste, Musa71… Je m’intéressais également au travail de Noer et Dona.

graffeuse-Else-Paris-???? Rer C / 2009

VLUU L100, M100  / Samsung L100, M100 Paris / 2009

– Tu as créé le site graffgirlz.com vers 2005. Grande nouveauté pour l’époque, et même maintenant, il n’y a pas eu d’équivalent. J’y ai découvert pas mal de graffeuses intéressantes, ça a été le côté positif de la chose. Pourquoi l’avoir arrêté ?

J’avais créé ce site par lassitude des réactions que je pouvais rencontrer parmi la gente masculine dans le graffiti. Peu de graffeuses étaient identifiées comme telles et du coup, on passait vraiment pour des phénomènes de foire. Certains mecs pouvaient complimenter la plus pourrie de tes pièces juste parce que ça l’impressionnait (ou l’excitait ?) de voir une fille peindre. Je voulais montrer avec ce site que la femme dans le graffiti n’était pas un phénomène si marginal, même si il reste bien sûr minoritaire. Ça m’agaçait vraiment d’entendre des commentaires élogieux quand une fille faisait un vandal, parce que c’était toujours une réflexion sexiste même si elle ne s’exprimait pas directement ainsi, cela voulait dire « ouah c’est bien pour une meuf d’avoir fait ça ». Dans ma tête, je n’ai jamais été « une meuf qui graff », je graffais c’est tout, il n’y avait pas à sexualiser cette action, une femme peut au même titre qu’un homme réaliser n’importe quel graff, et même s’il faut escalader, sauter, ou que sais-je, ce n’est pas une question de sexe, mais de volonté.

Pas mal de gens à l’époque ont réagi négativement face à ce site et notamment certaines filles qui disaient ne pas vouloir y être parce qu’elles ne voulaient pas se démarquer en tant que femme dans le graff. Ma démarche était pourtant la même, c’était de montrer qu’il y avait beaucoup plus de filles que l’on ne pensait dans le graff et qu’à l’image des mecs, elles avaient chacune leur pratique du graff, certaines uniquement du terrain, d’autres uniquement du vandal et d’autre mêlaient les deux. Je voulais vraiment banaliser le fait qu’il y existe des filles dans le graff, pour ne plus entendre des « c’est bien pour une meuf ».

J’ai arrêté le site par lassitude et aussi parce que de plus en plus de filles qui envoyaient leurs photos voulaient se démarquer en tant de meuf alors que mon but était qu’on soit considérées comme des « personnes qui graffent », non pas comme des « filles ». Le plus beau compliment qu’un mec m’avait fait quand il m’a vu la première fois c’était « je pensais que t’étais un mec » et j’avais apprécié la remarque, parce qu’il m’avait jugé à égalité, sans ce « c’est bien pour une meuf ». Pour en revenir au site, donc au bout d’un moment, les filles envoyaient plus de photos in action que de photos de peintures et ça m’a soulée parce que ce n’était réellement pas le but initial.

– Pourquoi personne n’a refait un tel site ? Tu penses que la majorité des gens ne veulent pas voir de communautarisme dans le graffiti ? (ou en général, d’ailleurs)

La gestion d’un site est quelque chose de vachement chronophage, et aussi quelque chose de très ingrat parce que tu vas te prendre la tête à développer un site (un ami l’avait fait), à recevoir et traiter les mails, à modérer les photos, à essayer de rendre le truc dynamique et attractif, bref, d’en faire quelque chose d’agréable et d’utile… Et au final les utilisatrices comme les visiteurs trouvent toujours quelque chose à redire. Et puis maintenant, c’est beaucoup plus simple pour n’importe qui de diffuser ses propres photos, d’ouvrir un facebook ou un blog, un instagram… Tu ne toucheras jamais autant de monde sur un site dédié au graff où seul un public spécifique ira que sur facebook où tu pourras montrer tes graffs à un public très varié. J’ai vu qu’il y avait quelques facebook dédiés aux graffeuses, malheureusement on y voit plus leur postérieur que leur peintures…
Le problème concernant le « communautarisme » c’est qu’il peut être interprété de différentes manières. Certain-e-s prennent ça comme la revendication d’une différence (« nous sommes des femmes dans le graff ») alors que d’autres prennent ça comme l’union de personnes similaires dans le but d’obtenir soit des droits soit une égalité. C’est un peu comme le combat féministe dans la société. Certains y voient une bande d’excitées qui veulent dominer, voire écraser les hommes, alors qu’il s’agit (enfin qu’il devrait s’agir) d’un regroupement de personnes qui d’ailleurs peuvent également être des hommes, qui militent pour obtenir l’égalité des femmes et des hommes et qui militent pour l’émancipation de la femme dans la société, mais là encore, c’est une valeur qui varie vachement d’un-e militant-e à l’autre. Enfin ceci est un autre débat…

– Tu faisais une sorte de recrutement, ou c’était portes ouvertes ?

Oui, un recrutement sur la qualité des pièces et je me renseignais aussi pour savoir si la fille était active où si elle m’avait envoyé ses 15 uniques pièces (ce qui arrivait). Le vrai point positif du site c’est qu’il avait fait son chemin partout dans le monde et il y avait des graffeuses d’un peu partout qui l’alimentaient.

graffeuse-Else-Paris-200? Paris / 2010

OLYMPUS DIGITAL CAMERA Val de Fontenay / 2010

– Des regrets ?

Jamais.

– Des mauvaises expériences ?

Sur le coup, oui, tu te dis que tu vis une mauvaise expérience, et que ça va mal finir, et puis avec le recul, tu qualifies plutôt ça d’anecdote et ça te fait marrer plus qu’autre chose. Je pense en particulier à une nuit, où avec une autre graffeuse, nous étions descendues dans le métro. Avant même de descendre sur les voies, on entend un bruit anormal et du coup on va se réfugier dans le tunnel, de l’autre côté du quai. Bien au chaud dans une niche, on comprend que les mecs qui étaient en train de peindre le métro venaient de se faire serrer. Donc ça nous refroidit légèrement et on s’est dirigé vers la station suivante via le tunnel. S’en est suivie une succession de grilles fermées et de trucs à escalader, digne d’un scénario à la Pierre Richard.

– Puisqu’on parle principalement d’une discipline illégale, le vol est-il une pratique que tu connais, ou pas ?

Oui, ça m’est arrivé.

– As-tu d’autres occupations, intérêts, auxquels tu consacres du temps régulièrement ?

La politique et le football.

– Tu peins toujours ? Si non, comment se passe ta vie sans le graffiti ?

Je ne peins qu’occasionnellement, par manque de temps. Même sans peindre, tu ne zappes pas le graffiti de ta vie, tu regardes toujours que ce soit dans la rue ou sur le net. On ne tourne pas la page comme ça…

– Expériences de garde à vue ?

Quelques unes, oui. Ça s’est toujours relativement bien passé. Les flics sont rarement connaisseurs et à leurs yeux tu passes pour un gentil ou au pire, un adolescent attardé, mais il ne comprennent pas trop la démarche. Je crois qu’ils voient ça comme une perte de temps pour eux, de questionner des gens qui peignent des murs. Mais ils on choisi de faire partie de la branche répressive du système, on ne va pas les plaindre…

– Tu dessines beaucoup ? As-tu besoin de dessin sous les yeux quand tu peins ?

Je dessinais beaucoup quand j’avais une activité plus régulière que maintenant. Par contre, je n’ai que très rarement peint avec un dessin sous les yeux.

– Je me souviens quand j’ai commencé, je t’avais croisée avec un ami graffeur, et je t’avais demandé si tu graffais, tu m’avais dit que non, tu préférais dessiner, sentir le bon moment. Et du coup, je trouve qu’à partir du moment ou tu as décidé de sauter le pas, tu as eu du niveau très rapidement. Tu t’es mis la pression pour ça ? Ou ça te venait naturellement ? Tu as toujours eu des facilités en dessin, infographie ?

Je crois que j’ai surtout privilégié la simplicité, ce qui permettait de limiter la casse, plus tu fais des chichis et plus tu risques de les foirer. Plus tu fais simple plus tu peux te focaliser sur la propreté. Mais dans le fond, j’ai rarement été pleinement satisfaite de mes pièces, j’ai toujours été plus satisfaite par le moment que par le résultat.

– Une pièce que tu as vue et qui t’a marquée (en vrai ou en photo)

Toutes les pièces réalisées par Vince Siete sur le mur dit « mur de la honte » qui enferme les Palestiniens. Il a réalisé plusieurs portraits immenses d’hommes et de femmes politiques Palestinien-ne-s, ainsi qu’une adaptation de la toile de Delacroix « La liberté guidant le peuple » en version Palestinienne. (photos en bas de page)

– Tu suis l’actualité, l’évolution du graffiti dans ta ville, ou même en France ? De quelle manière ? Des graffeurs, graffeuses actuel(le)s que tu as retenus ?

Je suivais pas mal l’actu, j’ai participé à la modération du site aero, à l’époque où il était l’une des rare plate-forme à permettre aux graffeurs de mettre en ligne leurs photos. J’ai ensuite bien sûr toujours suivi l’actu via les fanzines, les magazines, les sites, les vidéos…
La communication autour du graff a beaucoup évolué. Au début, on voyait les photos de nos potes, ou alors y’avait quelques fanzines et magazines peu diffusés, ça restait un truc pour les connaisseurs et ça faisait partie du « charme » du graffiti, d’être un truc peu médiatisé, car après tout, le meilleur moyen de savoir ce qu’il se fait, c’est d’ouvrir les yeux et de voyager. Maintenant, les gens ont des pages facebook avec des fans, des instagrams… le côté mystérieux qui existait autour du graff semble s’estomper à cause de ses moyens de communication. Sur certaines pages, on ne sait pas bien si le but est de mettre en avant ses peintures, ou sa personne. Nous, on était discrets, ce n’était même pas un truc dont on parlait avec les gens qui n’étaient pas dans le graff, maintenant, tout le monde trouve ça cool de dire qu’il graffe et de mettre sa tête sur le net…Je suis peut être un peu trop ancienne école, mais je trouve ça vraiment dommage.

Tu es partie vivre en Palestine, comment vois-tu ton époque graffeuse depuis maintenant ? Ça te semble dérisoire au vu de ce qui se passe vers chez toi ? Ou tu penses que ça aurait un rôle à jouer dans ton futur ?

C’est sûr que ça paraît dérisoire quand tu vis dans un pays sous occupation, où les gens n’ont pas la liberté de circuler, où les gens se font chasser de chez eux, où leur maison sont détruite du jour au lendemain, où dans toutes les familles il y a des prisonniers politiques et des martyrs. Ici pour un collage d’affiche tu peux finir en prison. Tu peux même finir en prison sans motif ni preuve et le juge sera nettement moins indulgent que le pire juge de France puisque les gens sont jugés dans des tribunaux militaire d’occupation. Ca fait relativiser sur tous les problèmes que l’on pense avoir quand on vit en France et ça fait bien sûr relativiser sur le milieu du graffiti.
On connaît tous des graffeurs qui se prennent pour les rois du monde parce qu’ils ont rentré X wholecars. Vu d’ici, ça n’a aucun sens de se prendre pour quelqu’un d’important, ou de subversif parce qu’on a écrit un blase sur un métro. Et ça n’a aucun sens non plus de risquer la prison pour de la peinture, enfin ça fait vraiment délire de petit bourgeois qui ne savent pas trop quoi faire pour exister. Ici, il n’y a ni train ni métro, comment expliquer au gens sans avoir honte que nous on a tous ça et qu’on y met de la peinture pour écrire notre blaze, qu’on aime ça et qu’il a même des modèles de rame que l’on préfère ?

Ici, il y a beaucoup de murs peints, mais il s’agit toujours de fresques politiques, des hommages aux martyrs ou aux resistant-e-s, il y a toujours un message politique, un sens, il ne s’agit pas de blazes insignifiants. Pour moi, c’est ce graffiti qui a un réel intérêt à mes yeux aujourd’hui : de l’esthétique avec un sens politique, loin de nos délires égocentriques d’occidentaux.

Je ne sais pas quel rôle le graffiti peut avoir à jouer dans mon futur mais c’est sûr qu’il a permis de construire mon identité en faisant le tri dans les valeurs que l’on trouve dans ce milieu. Je préfère garder de ce milieu les valeurs de solidarité, de collectif et de dépassement de soit, je ne jette pas le reste, je suis heureuse d’avoir pu connaître les travers du graffiti, qui sont ni plus ni moins des comportements que l’on peut également trouver dans d’autres domaines de la société.

-Pour finir, ton top 5 musical ?

« Evidence » / Fabe
« La fin de leur monde » / IAM
« Guns of Brixton » / The Clash
« Worst comes to worst » / Dilated peoples
« Zahrat al madain » / Fairouz

L’artiste Vince Siete :

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